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#83 Marie, mai 2012, Luxembourg

11 Fév

Je m’appelle Marie, et voici le récit de mon accouchement du 16 mai 2012 à Luxembourg…

Mon Pop-corn, ma poupette, ma fille, ma Juliette, était prévue pour le 12 mai.
Issue d’une famille de gros bébés arrivés en avance, Tata d’une bonne bouboule arrivée 3 semaines en avance, pourvue d’un ventre se remplissant plus vite qu’un caddie de courses en début de mois, et avertie par mon gynéco que je n’irai probablement pas jusqu’au terme, je me tenais prête au moindre retournement d’élastique de culotte.
Pas chochotte, je voulais éviter péri, épisio, perfs et autres accessoires chimiques et artificiels pour accoucher le plus simplement – si ce n’est naturellement – possible.
Et pourtant, les jours ont passé. Le gynéco prévoit une date de déclenchement le lundi suivant mon terme, juste histoire d’êtes parés, mais selon lui nous n’en aurons pas besoin.
Le terme a passé, et toujours rien.
Le week-end passe, et toujours rien.

Le jour du déclenchement arrive. Donc déjà l’accouchement naturel sans aide chimique, je peux commencer à faire une croix dessus, mais j’espere toujours pouvoir bouger, éviter la péri et   prendre la position que je veux pour aider mon popcorn à sortir. C’est avec un peu d’appréhension que nous nous sommes levés à l’aube, et que nous nous sommes rendus à la clinique à 6h30.
On sonne en salle d’accouchement, et contrairement à moi, d’autres femmes avaient commencé à accoucher… Du coup les sages-femmes étaient un peu occupées, et nous ont demandé d’aller faire les papiers administratifs et de prendre la chambre avant de revenir. Je vais donc poser mes affaires dans ma chambre Chéribibi a même pu réserver un lit d’appoint, et restera dormir ce soir. Et dans un coin, un petit berceau en plexi, dans lequel attendent patiemment trois petits ensembles en naissance, 1 mois et 3 mois, vu que je ne sais pas la taille de mon popcorn…
7h30, retour en salle d’accouchement. Premier monitoring (d’une loooooongue liste), et premier cachet de prostaglandine, afin de faire mûrir le col… Une heure plus tard, je rentre en chambre, et par la suite je redescend régulièrement au premier étage pour des contrôles… Entre 7h et 15h, mon col s’est ramolli (mais pas raccourci) et s’est ouvert de 1 à 2cm.
15h donc, après mon premier cachet, on décide d’aller me faire marcher une heure, et de passer à l’ocytocine. Cheribibi et moi partons donc faire le tour de l’hôpital. Il fait beau dehors, je suis bien motivée (je suis pas là juste pour contempler la déco des salles de monitoring, hein), donc zou, au pas de charge.
16h, pose de perf : ocytocine, antibiotiques pour mon coeur, monitoring ambulant, et c’est parti. Contractions, mais anarchiques, douleurs mais supportables. (le capteur du moniteur étant plus douloureux que les contractions elles-même…) Ca avance, mais pas des masses. Allez, faisons contre mauvaise fortune bon coeur et prenons notre mal en patience…
19h30 : Bon, on va arrêter les frais, hein. Je me fatigue pour rien, et mon col n’a absolument pas bougé depuis le début d’après-midi. Je redescendrai pour un dernier monitoring à 21h, mais rien ne se passera de plus aujourd’hui…
Demain, on recommencera avec les cachets de prostaglandine. En attendant, chéri va nous chercher un McDo, on installe son lit, et on entame une petite nuit pleine de questions et d’attentes pour demain, mais je commence à y croire un peu moins…

Le lendemain, Cheribibi et moi nous réveillons la tête un peu dans le pâté. Je dois avouer que j’ai que moyennement le moral, car même si j’ai relativement bien dormi, cela veut dire que je n’ai pas eu de contractions de la nuit, j’ai des courbatures du combat inutile d’hier, et j’avais pensé (avant de rentrer a la maternité) que quand je me réveillerais, j’aurais déjà eu ma poupette…
Au lieu de ça, on prend les même joueurs, et on joue encore…
7h00, Direction Echte Schtock (salle de naissance) pour mon cachet de prostaglandine du matin et monitoring. Pendant que Cheribibi va se chercher son petit dej, je me fais une petite sieste… il revient, on discute, je remonte en chambre (Drette Schtock), je redescend à midi (Echte Schtock), re-monitoring, rien ne bouge, je remonte (Drette Schtock), déjeuner dans la chambre…

14h00, je redescend pour un troiiiisième cachet de prostaglandine (Echte Schtock), et je commence à désesperer… Le gynéco, pas inquiet pour deux sous, qui ne me demande ni mon état (psychologique) ni mon avis, me dit que si rien ne se passe aujourd’hui, demain on perce la poche des eaux et au pire demain après midi, on pensera à la césarienne. Bref, il a pas l’air pressé. Moi en revanche, j’aimerai que ca bouge aujourd’hui mais je le sens pas. Quelques heures plus tard, toujours pas de contractions ou de changement du col, rien, nada. Avec la fatigue, le stress, le monitoring qui me laboure les vergetures, l’impatience et ce sentiment d’inutilité qui ne me lâche pas, je commence à me demander pourquoi on ne passe pas à la césarienne tout de suite. Cheribibi me fait reprendre mes esprits, et me fait réaliser que si je n’essaye pas tout ce que je peux avant de me résoudre à la césa, je risque de le regretter  plus tard…
Je prend donc mon mal en patience, à nouveau, et à 19h30, fin des hostilités. Ca ne bougera pas, et il est maintenant trop tard pour organiser quoi que ce soit de vraiment productif. Un dernier dîner avec mon cher et tendre, qui ce soir rentre à la maison, et je me met au lit. Je serre mon coussin, et j’essaye de m’endormir, sans penser à ces dernière 24heures qui n’ont servi à rien, mais après deux jours de débauche chimique, j’ai l’impression de transpirer des hormones par tous les pores de ma peau…

J+5, troisieme jour de declenchement. Cette fois, ca sera la bonne. Plus le choix. attention Poupette, on arrive.
Je me réveille avant 5h30, et l’infirmiere de nuit arrive peu après. A peine le temps de discuter 5mn, chéribibi arrive à son tour.
Je passe jeter un coup d’oeil dans la salle à manger, mais le petit dèj n’est pas encore en place. Tant pis, je mangerai quand je remonterai après le monitoring dans une petite heure… Il est 6h15, nous descendons en salle d’accouchement.
6:30, à peine arrivée, on me branche directement la perf d’ocytocine…
Hé oui, maintenant, je ne remonte plus sans mon popcorn ! Bon, c’est donc rapé pour le petit dej, je n’avais pas prévu cela… J’espère que j’aurai assez de forces pour la journée qui s’annonce… Une demie heure plus tard, le temps pour l’ocytocine de commencer à faire effet, la sage femme me perce la poche des eaux. Bon, dans la liste de ce que je ne voulais pas, voilà un deuxième point que je peux barrer…
Le bon côté : autant ca n’avait pas avancé lundi après-midi, autant là, je sens bien que ca contracte, avec force, régularité, et peut-être efficacité ? j’essaye de faire bonne figure, mais avec la fatigue et le stress des deux derniers jours, les contractions deviennent vraiment violentes. Au début, je suis allongée sur le côté, la jambe du dessus relevée, afin de faire de la place pour que Mlle Popcorn puisse faire son chemin vers la sortie. A chaque contraction, la piscine de la poupette se vide un peu plus, mais ça n’a pas l’air de la perturber outre mesure…
Du coup, changement de position : je me met debout d’un coté de la table, Cheribibi de l’autre, qui me tient les mains – et accoudée sur la table, sur la pointe des pieds, je tire à chaque contraction sur les bras de cher et tendre, car il faut que je tire sur quelque chose… Le pauvre, j’ai failli lui broyer l’annulaire. Au bout de trois grosses contractions, il a compris qu’il avait intérêt à retirer son alliance…
Deux heures de contractions et un doigt en moins pour cheri plus tard, je craque et demande la peri. Déçue, frustrée, en colère contre moi même, je culpabilise alors que ce n’est absolument pas un échec… Mais je le sens comme tel. Entre deux contractions – rapprochées d’à peine deux minutes maintenant – l’anesthésiste me la pose (aille !!! mais même ça, ça fait mal ?!?!?), pendant que je pousse de la tête contre le ventre de la sage-femme. Péri posée, pendant 5mn je continue à douiller à me demander à quel moment ca va arrêter de faire mal. Et avant même de finir de me poser la question, je m’endors comme une grosse marmotte qui vient de se prendre un coup de gourdin sur le crâne.
Quelques instants plus tard (5 mn ? 15mn ? une heure ? je n’ai même plus la notion du temps, je n’ai aucune idée de combien de temps je me suis endormie…) je refais surface, et je me dit avec un peu de tristesse et de lassitude que, vu que je sens plus rien, les contractions ont a nouveau disparu, et que c’était reparti pour tout recommencer… Et là, Cheribibi me montre le monitoring, et les contractions sont toujours aussi régulières et virulentes qu’avant – c’est juste que je ne les sens plus…

Alors oui, je ne voulais pas la péri, je voulais arriver à sortir ma puce par moi même dans la position que je voulais, mais après deux jours de cocktails chimiques dans tous les sens (et – excusez moi la poésie – dans tous les trous…..), je ne suis plus à ça près, hein ? Je voulais aussi qu’elle arrive le 7, je voulais qu’elle arrive naturellement… Donc quitte à ne pas l’avoir de la manière que je voulais, le plus important est de l’avoir, tout court… Voilà ce qui tourne en boucle dans ma tête, comme si je voulais me justifier, me rassurer, et limiter l’impact de ma déception sur ma perception de cet événement.
Du coup j’ai (essayé du moins) remisé mes regrets dans mon vanity-case, et j’ai profité de ce répit pour me reposer. vers midi, j’ai le droit à un smoothie, rien de plus (pendant que Cheribibi se fait un bon gros sandwich…). Bon, ca cale pas des masses, mais ca fait toujours plaisir…
Quelques recharges de péri plus tard, ça travaille, gentiment mais trop lentement, et Tanguy a la flemme de descendre dans mon bassin…

J’essaye changer de position (têtue, je continue à essayer de maitriser un minimum ce qui se passe), et arrive à me mettre assise sur la table, penchée sur un ballon, à tenter de faire un passage pour la miss en me dandinant sur ma musique, mais peine perdue, elle reste cramponnée à son placenta.

A 17:30, on se rend a l’evidence qu’elle ne passera pas. Je suis à 8cm, mais elle remonte se planquer au fond de mon utérus à chaque fois que la SF ou le gynéco veut voir ou elle est.

Direction cesarienne…

17:45, cheribibi est équipé, j’ai droit moi aussi à ma charlotte, et on sourit pour la dernière photo de couple avant l’arrivée de la petiote.

18:00, l’anesthésiste essaye de me mettre à l’aise, mais le stress me rattrape, et je ne peux m’empêcher de vomir mon smoothie. Je suis allongée, penchée vers la tête et vers la gauche, et si l’anesthésie marche bien pour le bas de mon corps, elle marche aussi et un peu trop pour mon bras gauche, que je ne sens plus du tout. Par contre, je me met à trembler de partout, je me sens vaseuse, de plus en plus détachée de ce qui se passe… Cheribibi vient s’assoir à ma droite et me rassure comme il peut.
L’anesthésiste me prévient que les gynécos ont commencé – je ne sens aucune douleur, presque aucune sensation, si ce n’est celle d’être transformée en planche de surf – ou en trempoline. C’est super bizarre, mais pas douloureux… Je suis un peu dans le gaz, et suis assez surprise quand on m’annonce que ca y est, elle est sortie.
18:22, je vois approcher la sage femme avec une serviette eponge roulee en boule, avec deux petits pieds violets qui depassent… Jef a des larmes dans la voix, moi je tremble de tous les membres, meme de ceux que je ne sens plus… J’ai à peine le temps (et les esprits) de lui faire un petit bisou que la SF l’emmène au pédiatre, car il y a quand même quelques soins à lui faire, mais la ramène rapidement.
Apres 3 jours de galere laborieuse, notre fille est enfin là !
J’arrive a peine a la prendre dans mes bras – je n’ai plus aucune sensation ni force dans le bras gauche, je ne peux plus parler tellement j’ai la bouche seche et un poisson pané trop cuit a la place de la langue, mais je m’en fiche, ma Juliette est arrivée et elle est parfaite.
Pendant que je me fais recoudre, Cheribibi la garde contre lui pendant 10mn et tombe en pamoison devant sa fille… Je les rejoins en salle de surveillance, et garde ma poupette au sein pendant près d’une heure, le temps de vérifier que tout va bien pour moi, de récupérer quelques sensations dans mon bras et un peu de salive dans ma bouche pâteuse (ouuuuh l’impression de lendemain de cuite…).

Alors, oui, c’était pas une anesthésie générale, mais j’étais spectatrice de l’arrivée de ma petite – comme si je voyais tout cela de loin derrière une vitre fumée…

Vers 21h (je crois, mais je ne suis pas sûre…) je suis remontée dans la chambre, deux infirmière me lavent au gant de toilette, Cheribibi rentre se reposer et moi j’entame ma première nuit en tant que maman…

Je resterai une semaine entière, à éliminer tant bien que mal toutes ces hormones, toutes ces déceptions, ces frustrations, ces attentes avortées et ces envies refoulées. Je me concentrerai sur ma fille, mon petit miracle si joli et si parfait, et je tenterai de me convaincre que ces émotions négatives ne sont que les échos de mes caprices de primipare naïve, mais les premiers mois de ma nouvelles vie garderont ce relent amère d’échec imprévisible et inévitable…
Marie.