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#351 L’accouchement de Cendrine

1 Mar

Lorsque j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai été tellement contente mais j’étais loin de savoir dans quel bazar je me lançais! Dès que tu annonces que tu es enceinte, on te demande tout un tas de papier et si en plus, tu souhaites accoucher à la maison alors là le parcours du combattant commence!

Ma grossesse fut idyllique : pas de nausée, j’ai été active jusqu’au 8ème mois et bien entourée. Ma sage-femme était très douce et très à l’écoute de ce que je souhaitais. Dans ma tête, il était presque impossible que je n’accouche pas à la maison mais on a quand même constitué un dossier à la maternité la plus proche afin de prévenir si l’accouchement ne se passait pas bien.
Lors de la constitution du dossier, je n’ai jamais dit que je souhaitais accoucher à la maison mais juste commencer le travail à la maison, mais même là je sentais déjà qu’on me jugeait comme une irresponsable.
Finalement, le terme est arrivé et à l’hôpital (peut-être parce qu’ils sentaient que je voulais sortir du cadre), ils voulaient me faire rentrer de suite. Il a fallu qu’on bataille pour au moins attendre une semaine. Malheureusement pour moi, les 7 jours ont passés sans que mon bébé ne montre l’envie de pointer le bout de son nez. Malgré le fait qu’il n’était pas en souffrance, nous avons dû aller à l’hôpital pour un déclenchement…
Ma sage-femme qui me prévenait toujours de ce qu’elle faisait, notamment lorsqu’elle voulait regarder le col; là je suis passé dans un autre monde! J’ai eu plusieurs palpés vaginaux pour « savoir où en était le travail » sauf qu’à chaque fois, elles me faisaient mal. Si je me plaignais, on me disait que mon col n’était pas facile d’accès… A mon avis, si elles avaient pris le temps, je n’aurais pu eu aussi mal. J’avais , avec certaines, l’impression de subir un fist-fucking (désolée pour le langage mais c’est comme cela que je l’ai vécu).
Toutes les sages-femmes et infirmières n’étaient pas insensibles, il y en avait une (la plus expérimentée) qui me mettait à l’aise et qui était compréhensive de ce que je vivais. J’ai pu lui dire qu’on avait souhaité un accouchement à domicile et que là, l’expérience était dur à vivre pour nous deux. Elle a essayé, tant qu’elle le pouvait, de nous adoucir le séjour mais la plupart voulaient que cet enfant sorte (à ce moment là, je ne savais pas si c’était un garçon ou une fille).
Ils ont donc décidé d’accélérer les choses  : après l’application d’ocytocines, voyant que le col ne s’ouvrait pas plus que 3 cm, ils ont voulu que j’ai une césarienne. Nouvelle bataille pour qu’on essaie au moins de le faire sortir par voie basse. Voyant notre résistance, ils font une deuxième application d’ocytocine.
Le travail fut long mais le col ne bougeait tjs pas. Une césarienne fut donc programmée. Arrive l’anesthésiste:  pas sympa, engueulant les infirmières et les sages-femmes, ne me parlant jamais directement alors que j’étais à 3 cm d’elle et faisant des remarques désobligeantes sur les « gens comme moi qui sont trop cambrés » sous-entendu les noirs parce qu’elle n’arrivait pas à me faire la péridurale!
Là je comprends que c’est la fin, qu’on a plus notre mot à dire et que plus rien ne va nous être expliqué! Ca n’a pas loupé, 2 secondes après on m’insérer une sonde urinaire sans me prévenir ( ça fait très mal!). Mon compagnon a été complètement mis de côté, il n’avait qu’une envie c’était qu’on en finisse, de voir son bébé, de me retrouver et qu’on nous fiche la paix!
Seule chose qu’on a pu négocier: la récupération du placenta pour pouvoir planter un arbre pour la naissance de notre enfant!
Finalement, à mon réveil j’ai appris que c’était un petit garçon et une fois mon fils sorti, ils nous ont fichu la paix. Enfin!
Quand dans les jours qui ont suivi, on me demandait avec des les yeux brillants « alors? Ce fut le plus beau jour de ta vie, non?! » euh…. comment dire! Non! J’étais très heureuse de voir mon fils mais après ma grossesse idyllique, je ne m’imaginais pas l’enfer que j’allais vivre! Ce fut dur pour nous deux et nous nous sommes sentis dépossédés d’un moment qui aurait dû être magique et beau, malgré la douleur.
Nous attendons un nouvel enfant et déjà, je sais que ça va être compliqué d’accoucher comme je le souhaite! En France, tu n’as pas la possibilité de vraiment choisir ton accouchement. Soit il n’y a pas de sages-femmes qui fassent d’accouchement à domicile, soit elles sont trop éloignées… Certains hôpitaux sont mieux que d’autres mais globalement, on ne devrait y aller qu’en cas d’accouchements compliqués ou pour ceux qui se sentent plus à l’aise pour y accoucher… Ce devrait être un choix et non une obligation!
Je garde espoir que dans quelques années, cela soit une réalité!
Merci de m’avoir donné la parole

#346 Le deuxième accouchement d’Abigaïl, Québec 2010

10 Fév

Après une première grossesse et une naissance très médicalisées (récit #334), j’ai la chance d’emménager au Québec dans une région qui compte une maison des naissances. Les sages-femmes acceptent de m’accompagner pour un AVAC. Le suivi est tel que je l’avais attendu : grande écoute, échanges égalitaires, aucun geste posé sans en avoir pesé, ensemble, le pour et le contre. Je ne veux aucune intrusion, pas d’échographie, surtout pas d’amniocentèse. Quelques analyses de sang et d’urine, la prise de tension et l’écoute du cœur du bébé sont les seuls examens pratiqués.

Le bébé est tonique, bien vivant, je le sens s’activer dès le quatrième mois. Au septième mois, il s’installe tête en bas. Je suis rassurée : la présentation par le siège était la cause de ma première césarienne.

Chaque semaine à partir du 9e mois, je rencontre en alternance I. et C., chez moi ou à la maison des naissances. Pour un premier accouchement (je n’ai pas été en travail pour la naissance de ma grande fille), elles ne s’attendent pas à ce que le bébé arrive avant 41 semaines, et me disent être à l’aise avec ça. C. insiste pour que je me repose. J’ai de nombreuses insomnies et le dos douloureux. Le bébé bouge encore beaucoup. Sa tête est bien engagée dans le bassin.

39 semaines et 3 jours, lundi – Je me rends à la maison des naissances pour rencontrer I. et sa jeune stagiaire. I. me parle du décollement des membranes et de l’acupuncture pour activer le processus, puis me propose, si rien n’a évolué, de rencontrer vendredi un gynécologue de l’hôpital pour discuter de leurs protocoles, voir s’ils accepteraient de tenter un déclenchement médicamenteux et à partir de quel moment il faudrait envisager une césarienne d’office.

Cette proposition me terrifie. Je sais que s’il constitue un avantage indéniable, un accompagnement non médicalisé ne garantit en rien la réussite de mon projet, pourtant je refuse d’envisager l’éventualité d’une nouvelle césarienne.

J’ai le sentiment que les sages-femmes me lâchent à quelques mètres de la ligne d’arrivée. J’essaie d’en parler à mon conjoint, mais il ne mesure pas l’ampleur de mon désarroi. Je lui en veux. Comme d’habitude en pareil cas, je m’applique à contenir les émotions trop fortes et « j’encaisse ».

Mercredi – I. vient chez moi et j’accepte le décollement des membranes. C’est moins douloureux que ce qu’elle m’avait prédit, mais elle n’a pas réussi à passer le col. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le travail commence.

Jeudi – J’appelle C., c’est elle qui est de garde. Les contractions sont intenses, espacées de quinze à trente minutes. A chaque fois je respire profondément, j’émets des sons graves comme je l’ai appris en cours de yoga prénatal. C’est douloureux, mais je suis heureuse, excitée: je vais bientôt rencontrer cette petite personne qui a mûri dans le secret de mon ventre! Les contractions s’espacent puis se rapprochent, s’espacent à nouveau. Je dors peu. Je suis fatiguée. C. me conseille de prendre des cachets de Gravol.

Vendredi – Le col n’est pas encore effacé. J’ai une séance d’acupuncture à midi. Accueillir les contractions en restant immobile est difficile, mais le calme de la salle est apaisant.

Mon conjoint me conduit ensuite à l’hôpital pour une échographie : C. souhaite un bilan (la demande est ferme). La jeune gynécologue est chaleureuse mais pressée, elle pose deux, trois questions très vite puis m’invite à m’allonger sur le dos, dans une position particulièrement inconfortable, douloureuse (comment peut-on imposer à une femme d’accoucher ainsi?). Elle nous demande si nous voulons connaître le sexe du bébé et si elle doit nous signaler une malformation visible. A quelques heures de la naissance, je trouve ça ridicule. Je détourne la tête pour ne pas voir l’image sur l’écran. J’ai des sueurs froides, je veux sortir. Mon conjoint croit avoir entendu la gynécologue parler du bébé en disant « elle ». Le bilan est positif : le petit va très bien. Je n’avais pas besoin de l’échographie pour savoir ça!

Samedi – J’ai une nouvelle séance d’acupuncture le matin. Je parle beaucoup au bébé, pour l’encourager à venir. Il s’active encore. Je suis très fatiguée.

Nous passons la fin de l’après-midi chez des amis qui habitent le bord du fleuve. Il fait incroyablement beau et chaud, nos filles s’amusent dans le jardin. Je mange avec appétit puis vais m’allonger. Les contractions se rapprochent: toutes les cinq minutes. C. nous retrouve chez nous, le col est dilaté à trois centimètres. Nous pouvons partir pour la maison des naissances!

Le trajet en voiture me semble long, et en même temps j’apprécie cette bulle dans la nuit, seule avec mon homme. L’autoroute est déserte. A chaque contraction je serre fort la poignée de la porte. Je suis très concentrée sur l’instant présent.

Nous sommes les seuls « clients » ce soir, C. nous oriente vers la chambre la plus grande et la plus fraîche, allume une lampe de chevet, je ne garde que ma tunique et je m’installe sur le ballon, face au grand lit, avec des oreillers pour enfouir ma tête. La sage-femme apporte de l’eau fraîche, montre à mon conjoint les points d’acupression, pour soulager la douleur, en bas de mon dos, puis s’installe dans la chambre de l’autre côté du couloir.

Je fais rouler mes hanches sur le ballon et continue à respirer profondément. Les contractions s’installent comme une routine, les stations d’un petit train en marche, toujours les mêmes, sans accélération, le moteur ronronne, ça tourne en rond.

On met en route le ventilateur au plafond, puis on l’arrête malgré la chaleur : trop de courants d’air. Je bois beaucoup, je vais plusieurs fois aux toilettes. J’aime cette petite pièce avec une grande douche, sans fenêtre, j’aime ces courts moments de solitude, même si les contractions sont plus dures à passer agrippée au lavabo ou assise sur la cuvette. Je jette à chaque fois un coup d’œil à la salle de bain attenante, à la grande baignoire, j’ai hâte de pouvoir me glisser dans l’eau chaude pour la poussée et d’y accueillir mon bébé en douceur.

Les heures passent sans que je m’en rende compte. J’ai faim, C. apporte un croissant avec de la confiture, je ne trouve pas ça très bon et ça ne m’apporte pas l’énergie espérée. Elle vérifie la dilatation du col après une contraction. C’est inconfortable, intrusif, je n’aime pas me retrouver sur le dos à regarder le plafond, cela me « décentre » un peu plus. Pas d’évolution.

C. installe le tire-lait électrique pour stimuler la production d’ocytocine. L’effet est spectaculaire : les contractions sont nettement plus intenses, très rapprochées, l’une à peine passée que l’autre démarre derrière, dans ce crescendo-decrescendo que je commence à bien connaître. Je crie pour de bon, je m’agrippe au coussin devant moi, mon conjoint ne détache pas ses pouces de mon dos.

Dimanche – Le jour commence à poindre et je me sens épuisée, découragée. Je m’accroche à l’espoir que les choses ont avancé, mais le col n’est qu’à cinq centimètres. Les contractions diminuent un peu en intensité et en fréquence. C. me propose un transfert à l’hôpital pour une péridurale, le repos pourrait avoir un effet bénéfique sur le travail. Elle va négocier avec les médecins pour qu’ils « ne sortent pas le scalpel trop vite ». J’accepte avec soulagement.

C. prévient l’hôpital. L’ambulance arrive en quelques minutes, je dois m’allonger sur la civière, sous une couverture, même sur le côté c’est peu confortable. Dans l’ambulance, C. serre ma main et me regarde dans les yeux pour me soutenir pendant les contractions. Elle répond aux questions d’usage. Elle explique que les sages-femmes suivent uniquement des femmes en bonne santé, dont la grossesse se déroule sans problèmes. Il ne s’agit pas d’une urgence : la mère et le bébé vont bien, mais elle veut bien vérifier la rapidité de l’ambulance sur le nouveau tronçon d’autoroute. Dix-sept minutes exactement. Mon conjoint nous a suivies en voiture.

Je reconnais à peine l’entrée des urgences. La civière change de mains. Les néons au plafond défilent, j’arrive dans une petite salle à la lumière tamisée. Je dois me déshabiller, enfiler la blouse d’hôpital et ne plus boire. Pourtant il fait chaud et j’ai soif. Il y a une infirmière d’un certain âge, sympathique, visiblement expérimentée, et la jeune gynécologue qui a pratiqué l’échographie vendredi. C. lui expose la situation. La gynécologue écoute attentivement puis m’ausculte. Le trajet en ambulance a produit son effet : le col est à huit centimètres. Elle me propose de rompre la poche des eaux pour accélérer le travail (indolore) ; elle est prête à tenter une petite intervention médicamenteuse d’ici quelques heures. C. me sourit, les chances sont bonnes que j’accouche par voie basse.

Je demande une péridurale. Le temps que l’anesthésiste arrive, je retire les fils du moniteur qui enregistre les battements de cœur du bébé et je marche un peu dans la salle. Je continue de respirer profondément à chaque contraction.

L’anesthésiste a le geste rapide et sûr, je sens à peine l’aiguille pénétrer dans mon dos, très vite je n’ai plus de sensations au niveau du ventre et du bassin. Je dois maintenant rester en position semi allongée, sur le côté gauche, pendant que le produit passe goutte à goutte dans le cathéter. C. conseille à mon conjoint d’aller se reposer dans la chambre qui m’a été attribuée. Elle reste près de moi et parle avec l’infirmière. Tout est calme. Je m’endors.

Lorsque je me réveille, l’équipe a changé. La nouvelle infirmière, postée devant l’écran du moniteur, se présente. La nouvelle gynécologue est aussi jeune que la première, très calme, un peu froide malgré son sourire. Le col n’a pas bougé depuis la première auscultation. L’infirmière explique que les contractions se sont encore espacées, la gynécologue est soucieuse, elle approuve la proposition de l’infirmière de me faire changer de position régulièrement.

Je suis perplexe : je n’ai pas senti le changement. Les choses se passent en dehors de moi, sur le moniteur, je dois m’en remettre à l’infirmière pour suivre l’évolution du travail. Lorsque j’avais toutes mes sensations, je ne contrôlais rien, mais je pouvais dire « c’est intense, ça avance », ou bien « mon corps fatigue, il y a quelque chose qui cloche », je pouvais chercher la position qui faciliterait le travail. Je voudrais me lever, bouger, accompagner de nouveau mon bébé dans cette incroyable aventure. Mais je suis coincée sur ce lit d’hôpital, avec ces fils et ces tuyaux qui m’encombrent.

L’infirmière lève un de mes genoux, déplace une épaule, fait tourner ma tête, je suis comme un pantin que l’on manipule, avec sérieux et application. Je garde la position une vingtaine de minutes, puis le manège recommence. Je discute avec C. pendant un petit moment, puis elle m’invite à dormir à nouveau pour récupérer un peu d’énergie: j’en aurai besoin pour la poussée.

J’ouvre les yeux sur une chaise vide, C. est rentrée chez elle se rafraîchir. La gynécologue est là. L’infirmière lui explique que les contractions se sont rapprochées, c’est une bonne nouvelle. Mais à l’auscultation, surprise: impossible d’atteindre le col, le bébé semble s’être désengagé du bassin, c’est comme si l’utérus « contractait à l’envers ». La gynécologue dit: « c’est tannant », d’une voix monocorde, sans émotion. Elle invite l’infirmière à m’ausculter à son tour, l’infirmière constate que le col est inaccessible, que le bébé est remonté, la gynécologue répète : « C’est tannant ». Après avoir scruté l’écran du moniteur, elle me regarde, elle est très calme. Les signes vitaux du bébé sont bons, mais elle craint une rupture utérine. Il va falloir procéder à une césarienne.

Mon cœur veut sortir de ma poitrine. Non, ce n’est pas possible, pas une nouvelle fois, après ce que j’ai donné depuis trois jours, vous n’allez pas me découper le ventre alors que le bébé va bien! Je voudrais hurler, pleurer, cette parfaite inconnue n’a pas de cœur, elle ne sait pas ce qu’elle dit, elle ne se rend pas compte que ses mots m’anéantissent, alors que je suis seule dans cette chambre… Où sont passés ceux qui devaient me défendre, me protéger de l’intervention des médecins ? Ma voix s’étrangle : « On ne peut pas attendre? », attendre que mon corps fonctionne à nouveau à l’endroit, attendre que C. soit revenue, qu’elle donne son avis, attendre que mon conjoint, le père de ce bébé, soit à mes côtés?

La gynécologue considère qu’il n’y a pas de temps à perdre, avec un antécédent de césarienne, après quatre heures sans résultats satisfaisants, c’est le protocole. Elle n’arrête pas de dire : « C’est tannant », avec ce rictus insupportable, ce pseudo sourire sans compassion. Elle est tellement calme! Je ne peux pas croire qu’il y ait urgence.

L’infirmière a appelé C., on est allé chercher mon conjoint. Ils écoutent le médecin, C. acquiesce, je tombe en pleurs. La gynécologue dit : « Elle est déçue », l’infirmière se penche vers moi : « C’est pour ton bien et celui du bébé. » Je vois d’ici la suite : les bras en croix sur la table d’opération, les mains inconnues qui s’affairent, le premier cri dans le vide, hors de ma vue, l’impossibilité de me lever pendant 24 heures, la douleur postopératoire, le séjour prolongé à l’hôpital avec le bruit, le dérangement constant… Je demande combien de temps je vais devoir rester, la gynécologue répond trois, quatre jours.

Le brancardier arrive, je me laisse porter comme une pauvre chose sans vie, n’étaient les larmes qui coulent en flot ininterrompu.

L’homme qui me conduit au bloc est petit, d’âge mûr, jovial. Je vois son visage à l’envers et les néons qui défilent, le trajet me semble labyrinthique. Dans l’ascenseur, il tente une  plaisanterie. Je réponds sur le même ton et souris à travers les larmes. Il me souhaite bon courage et me laisse dans le couloir en attendant que l’équipe soit prête pour l’intervention. Une femme me demande si je porte des prothèses dentaires, si je suis allergique à un produit ou à un autre, je réponds sans être très sûre.

Un autre homme pousse le brancard dans la salle froide, à l’éclairage cru. Elle est remplie de matériel et d’appareils de toutes sortes, j’entends qu’il y a plusieurs personnes. L’homme m’explique ce qui va se passer, qui va intervenir, à quel moment mon conjoint pourra me rejoindre. Avec ses doigts, il essuie une larme sur ma joue et prononce un mot gentil.

On me dépose sur la table, on met un chapeau sur mes cheveux et quelques capteurs sur ma poitrine, on tend un drap entre mon ventre et mon visage. Je reconnais les voix des deux gynécologues que j’ai vues ce matin, la deuxième a fait revenir la première et lui explique la raison de l’intervention. On vérifie l’effet de l’anesthésie, puis l’opération commence.

Les médecins observent ma cicatrice, je pense au petit lézard tatoué au bout de cette première ligne, j’imagine qu’il y en aura bientôt une autre, au-dessus. Je retiens mes sanglots de peur que cela me fasse bouger et gêne l’intervention. Mon conjoint est à côté de moi, il me parle, comme la première fois je ne le reconnais pas tout de suite à cause du masque qui couvre la moitié de son visage. L’incision est très rapide, je sens des mains qui poussent vigoureusement sur le haut de mon ventre, mon corps est secoué, j’attrape la main de mon conjoint et la serre très fort, cela dure une éternité, c’est impressionnant comme ça secoue!

Je sens le bébé sortir et je l’entends crier, il change de mains, mon conjoint me laisse, quelqu’un dit : « C’est quoi? », je tourne la tête, tends le cou, moi aussi je veux savoir, montrez-le moi! Mon conjoint revient vers moi, m’embrasse et me dit : « Merci ». Je sais alors que c’est une fille, je suis heureuse, je souris.

Mon conjoint tient notre petite fille serrée dans un linge, près de mon visage. Je la regarde avec un sentiment d’étrangeté, de distance, j’ai du mal à l’imaginer avec le nom que nous lui avons choisi. Mon conjoint repart avec elle. Lorsque la suture est terminée, on me conduit en salle de réveil. Je grelotte, on m’enveloppe dans une couverture chauffante. On me demande si je souhaite avoir mon bébé près de moi, mais je suis dans un état second, comme ivre, je préfère rester seule le temps de reprendre pied.

A travers le brouillard, j’entends le « bip, bip » de l’appareil qui prend ma tension à intervalles réguliers, la conversation animée d’un homme et d’une femme à l’autre bout de la pièce.

Dans la chambre, C. et mon conjoint se tiennent debout, la petite pleure contre le torse nu de son père. On me transfère dans le lit, on m’aide à me placer sur le côté, avec des coussins pour caler mon dos. Mon conjoint dépose la petite contre mon sein, je la caresse, je lui parle. Elle cesse de pleurer et boit pour la première fois.

1er jour – Nous dormons toutes les deux, l’une contre l’autre, pendant un bon moment. L’infirmière m’apporte des cachets, me sert un verre d’eau glacée, prend ma température et ma tension. Elle change et habille la petite, l’emmaillote dans un carré de tissu. Elle m’assure que la coupure sur son épaule, accident survenu durant l’opération, est superficielle. Il fait très chaud malgré le courant d’air qui passe par la fenêtre ouverte.

Mon conjoint revient avec sa mère et notre grande fille dans l’après-midi. L. s’approche doucement de sa petite sœur, grimpe sur le lit pour mieux la voir, elle la trouve mignonne, toute petite. Elle a choisi pour elle une marionnette rose et douce, avec un bonnet pointu, qu’elle offre dans une jolie boîte. Ma belle-mère prend quelques photos, nous discutons un peu, mon conjoint les raccompagne à la maison, dîne avec elles puis me rejoint à l’hôpital.

J’ai faim, mais je n’ai droit qu’à une soupe, un yogourt et un thé. Nouveau changement d’équipe. Les infirmières ne sont pas assez nombreuses pour s’occuper de toutes les patientes, alors on a demandé à mon conjoint de rester ici pour la première nuit. Il installe un matelas par terre, près de la porte, s’allonge et s’endort presque aussitôt. La petite est dans son couffin transparent, elle pleure et je ne peux pas me lever, je peux à peine me redresser, mon ventre me tire. J’appelle mon homme à voix basse, je ne veux pas importuner les mamans dans les autres chambres. Je hausse un peu le ton, il dort profondément, je ne sais pas quoi faire. Finalement, j’appelle une infirmière.

Je suis extrêmement tendue, épuisée. Je dors peu, d’un sommeil agité, le petit corps lové contre le mien.

2e jour – Mon conjoint est parti s’occuper de L. Débarrassée de la perfusion, je quitte le lit avec l’aide de l’infirmière. Je marche avec une extrême lenteur, pliée en deux, jusqu’au minuscule cabinet de toilette de ma chambre. Je prends appui sur le lavabo et regarde mon visage dans le miroir. Je suis effrayante. J’ai les paupières boursouflées et des sillons violacés sous les yeux. Je retire ma blouse, mon ventre est gonflé et douloureux, encore badigeonné d’antiseptique, j’imagine la plaie sous le gros pansement. Du sang coule entre mes jambes. Je pleure.

Après un moment, je mets de la crème sous mes yeux, je brosse mes dents, je savonne mon ventre, délicatement. L’eau fraîche me fait du bien. J’enfile des habits propres et retourne sur le lit à petits pas.

Je garde ma petite fille contre moi, je la couve des yeux. Elle est vraiment belle, toute potelée. Avec son nez minuscule, ses joues rondes, sa bouche en cœur, qu’est-ce qu’elle ressemble à sa sœur!

C. prend de nos nouvelles par téléphone. A cause de la chaleur, la petite fait un peu de fièvre, elle perd plus de poids que ce qui est toléré, il semble qu’elle se déshydrate malgré ses nombreuses tétées. L’infirmière a suffisamment d’assurance pour retarder le moment d’alerter la pédiatre, elle sait que les examens peuvent être longs, et les traitements contraignants. Mais la fièvre persiste. Une consultation avec le médecin est prévue ce soir. Je demande à mon conjoint de revenir après le dîner, je m’attends à ce que ce soit éprouvant et je ne veux pas être seule.

Nous attendons longtemps. Finalement, une jeune infirmière que je vois pour la première fois vient prendre notre bébé. Elle nous parle à peine, ne se présente pas, ne nous demande pas notre permission, ne nous propose pas de l’accompagner. Je suis indignée. Je fais quelques pas dans le couloir, tout est silencieux, on entend juste les pleurs d’un petit. Je ne sais pas où cette femme est allée avec ma fille, je ne connais pas les lieux, je n’avais pas même vu le couloir jusqu’à ce soir. Je n’ose pas aller plus loin. J’hésite à envoyer mon conjoint, je me dis que l’infirmière va revenir bientôt.

Nous restons 3/4 d’heure sans nouvelles.

Je craque. Rien ne s’est passé comme je l’avais prévu! J’aurais voulu que mon bébé soit accueilli dans un lieu intime et chaleureux, pas sous les néons d’une salle d’opération, entre des mains anonymes. J’aurais voulu qu’on permette à mon corps de faire son travail jusqu’au bout, à son rythme, sans l’interrompre d’une manière si agressive. J’aurais voulu qu’on nous laisse en paix, ma fille et moi, pendant les premiers jours de notre rencontre. J’aurais voulu que cet accouchement répare les blessures laissées par le premier. Il ne fait que les raviver. Je me sens trahie, abusée, mutilée.

Mon conjoint m’écoute, me réconforte, me dit sa fierté.

La pédiatre n’a rien décelé d’inquiétant, mais elle propose de donner un supplément pour aider notre fille à reprendre du poids. Elle souhaite également avoir un échantillon d’urine pour s’assurer qu’il n’y a pas d’infection. Malgré leur discrétion, les infirmières nous réveilleront quatre, cinq fois durant la nuit pour vérifier la petite poche placée dans sa couche. A la lueur de la veilleuse, l’une d’elle me dira tout bas : « Elle est belle en maudit, ta fille. ».

3e jour – L’infirmière qui avait attendu avant de signaler la fièvre reprend son service. Elle obtient de la pédiatre qu’elle passe nous voir entre deux rendez-vous, j’entends ainsi le diagnostic de sa bouche et peux lui poser directement mes questions. Pour ne pas perturber l’apprentissage de la succion, le supplément est administré durant les tétées, à l’aide d’une seringue et d’un tuyau très fin. Je dois appeler une infirmière à chaque fois que j’allaite, c’est pesant.

Il fait moins chaud, la température de ma fille tombe.

La gynécologue qui m’a opérée me rend visite. Elle a toujours ce sourire étrange, distant, cette voix monocorde et traînante. Elle me demande si les antalgiques sont efficaces. Avec précaution, elle palpe mon ventre toujours gonflé, tendu, douloureux. De l’air a pénétré durant l’intervention, il devrait disparaître progressivement d’ici quelques jours. La plaie semble bien cicatriser. Si la pédiatre le permet, la gynécologue est prête à nous laisser partir dès aujourd’hui. L’infirmière est moins optimiste, on n’a toujours pas réussi à prélever les quelques gouttes de liquide nécessaires pour l’examen, et les formalités de sortie prennent du temps.

Nous ne parlons pas de la manière dont s’est passé l’accouchement. Mon chagrin est tellement grand, j’ai peur de craquer en présence de cette étrangère. Devant elle comme devant les infirmières, je fais bonne figure, je souris. Je veux juste être tranquille et retourner chez moi, auprès des miens.

Lorsque ma grande fille et ma belle-mère reviennent, la petite est endormie sur le côté, dans son couffin, une petite main potelée glissée sous le menton. Enveloppée dans un linge blanc, elle a l’air paisible, angélique. Nous restons longtemps à la contempler.

Il fait gris, des nappes de brouillard couvrent les hauteurs de la ville. J’ai du mal à reconnaître le quartier depuis ma fenêtre. Il y a des parkings, un immeuble de bureaux, un supermarché, une tour d’habitations qui me rappelle l’hôtel sinistre, en banlieue de Prague, où j’étais descendue lorsque j’étais étudiante.

La nuit venue, je sens l’angoisse qui monte. L’éclairage blafard accentue la vétusté de la pièce, je n’en peux plus du bruit continu des ventilateurs sous la fenêtre, du lit inconfortable, des murs nus, sans âme, de la poussière qui colle à mes pieds sur le carrelage froid. Je ne connais du service que ce bout de couloir où passe parfois une femme en travail, parfois une mère berçant son bébé, l’employé chargé du ménage ou celui qui distribue les repas, et une multitude d’infirmières dont je n’arrive pas à retenir les noms. L’hôpital est une immense machine dont je ne perçois que quelques rouages, un pays hostile dont je ne sais ni la géographie, ni les usages. Dans un demi-sommeil j’imagine qu’un médecin sadique, tout droit sorti d’un film d’épouvante en noir et blanc, profite de mon infirmité pour tester sur moi un produit douteux.

4e jour – Je ne désire qu’une chose, rentrer à la maison. Les résultats des examens ne sont pas encore arrivés, mais ma fille se porte bien, elle a repris du poids et tète correctement. L’infirmière prend rendez-vous avec le pédiatre pour la visite de sortie et prépare les papiers à remplir.

Je quitte la chambre pour la première fois: la salle de bain est située à l’autre bout du couloir. Sur un panneau sont affichés des prospectus sur l’allaitement, les coordonnées de différents organismes de soutien aux parents, les photos de plusieurs bébés nés ici, avec des petits mots de remerciements. Je passe devant le petit comptoir d’accueil, il y a un bouquet de fleurs et à l’arrière, de larges fenêtres qui donnent sur le fleuve, scintillant sous le soleil. Je reconnais quelques-unes des infirmières qui se sont occupées de moi ces derniers jours.

La salle de bain est petite, chaude et embuée de la douche prise par une autre maman avant moi. Il y a seulement un tabouret, à côté du lavabo, pour poser les vêtements et les affaires de toilette. Je retire mes chaussures, trop serrées pour mes pieds gonflés. Le sol est mouillé, glissant. J’entre prudemment dans la baignoire. Je ne peux pas encore me redresser complètement. Je ne peux pas me laisser aller tout à fait, les pleurs qui viennent sous l’eau chaude contractent mon ventre douloureux. Ma fatigue est immense.

La gynécologue me rend visite une dernière fois. Elle me donne les consignes : pas de charge lourde pendant dix jours (interdiction de porter ma grande fille), pas de bain pendant deux semaines, visite de contrôle dans six semaines; en cas de douleur aigue, de saignement abondant, se rendre aux urgences; éviter de tomber enceinte avant neuf mois. Elle laisse une ordonnance pour des antalgiques, du fer, un laxatif et une pilule contraceptive.

L’infirmière décolle délicatement le pansement. Elle retire les agrafes une à une et les remplace par des petits morceaux de sparadrap. Après quelques instants, retenant mon souffle, j’ose regarder le bas de mon ventre. Il n’y a qu’une seule cicatrice, étonnamment nette et courte, à l’endroit précis où se trouvait la première.

C’est déjà l’heure du déjeuner. Mes affaires sont rangées, mon conjoint est arrivé avec le siège pour transporter la petite, nous avons rempli les papiers pour l’état civil. L’infirmière perçoit mon impatience, elle m’invite à la suivre jusqu’au bureau du pédiatre. Le médecin, un homme d’âge mûr à l’air sympathique, accepte d’examiner ma fille dans les minutes qui suivent. Il la trouve en parfaite santé, particulièrement tonique. Les sages-femmes effectueront le suivi pendant les six prochaines semaines.

L’attente pour les dernières formalités est interminable. Mon bébé pleure beaucoup. J’hésite à demander de l’aide, j’ai peur qu’on découvre un nouveau problème nécessitant de prolonger la surveillance. Une jeune infirmière vient finalement, emmaillote puis berce énergiquement la petite, le bout d’un doigt glissé dans sa bouche. Quand nous quittons la chambre tous les trois, ma petite dort profondément.

Nous sortons de l’hôpital en plein soleil, une brise d’air chaud souffle sur mon visage. J’ai l’impression d’atterrir après un long voyage. En quelques jours, les arbres dénudés se sont couverts de feuilles, les dernières traces de l’hiver ont disparu. Je ne dis pas un mot durant le trajet. Les secousses me font mal au ventre. Je suis en état de choc.

Ma belle-mère a rangé et nettoyé l’appartement, elle a mis des draps propres dans le lit, ça sent le frais. Je pose mes affaires en vrac dans un coin de la chambre. Mon conjoint va chercher notre grande fille à la garderie. Après un temps de retrouvailles, elle retourne à ses jeux habituels. J’essaie de dormir un peu.

Le soir, je rédige et j’envoie par mail le faire-part de naissance, je veux mettre de côté la douleur et rendre le bonheur palpable, que la famille, les amis, les connaissances se réjouissent et admirent notre si jolie petite fille.

Mon bébé dort avec moi. Dans l’obscurité angoissante, je l’écoute, la caresse, la respire, je la presse contre mes seins gonflés de lait. Je savoure son petit corps parfait, presque nu, sans l’entrave du coussin qu’avait porté sa sœur pour réparer ses hanches. Le contact charnel, animal, adoucit un peu la violence de cette mise au monde.

Jeudi, j’appelle I. et tombe en pleurs au téléphone. Elle a eu le compte rendu de l’accouchement par C., j’ai de quoi être bouleversée! Je lui fais part de mes doutes: pour moi, l’infirmière s’est trompée en cochant la case « césarienne en urgence » dans le questionnaire de sortie. Mais C. « a vu la peur dans les yeux du médecin », elle croit que l’intervention était justifiée. I. me conseille le repos absolu, elle m’invite à me concentrer sur le moment présent. Les explications viendront en leur temps.

Aujourd’hui je pleure encore cette naissance et celle de ma première fille.

#325 – Naissance de ma fille, novembre 2013

8 Jan

06/11/13

RV au service gynéco-obstétrique du CHU.

Arrivée à 10:30 pour un contrôle, mon gynécologue me dit qu’il ne préfère pas me laisser continuer, souffrir, etc. Il me propose de me déclencher dans un 1er temps avec un tampon. (Qu’on m’a mis à 11:30). On attend 12 à 24h pour voir si ça mature mon col (qui n’est ouvert qu’à 1 cm et pas encore effacé). Après on verra pour utiliser d’autres moyens de déclenchement si besoin. Donc wait and see. La pose du cathéter a été show Time. Elles s’y prennent à 2 (1 sage-femme et 1 Ide) et me piquent 5 fois pour me poser la perf´… je passe du service urgences obstétriques au service grossesses pathologiques (à 13:00 où on me donne à manger) où je suis surveillée jusqu’à l’accouchement. Après choupetta et moi serons dans une chambre de mater’ pour nous deux.

Futur papa prend dès ce jour ses congés naissance pour être avec moi. Sa présence me rassure. La sage-femme me conseille de me reposer, prendre des forces pour quand le travail arrivera …

14h. Etat d’esprit : Oui … Se dire que ça va arriver, d’après la sage-femme au mieux dans la nuit; d’après Dr le lendemain semble probable ou même le surlendemain …

C’est curieux, être là à attendre, un nombre incalculable de pensées viennent à moi … Bientôt je vais enfin pouvoir serrer ma fille contre moi … la sentir … Je vais enfin être maman après toutes ces fausses-couches, toutes ces craintes … Et déjà je suis dans l’inquiétude de savoir si elle va bien, si elle a ce qu’il faut là où il faut …

15h. Après une micro-sieste, je suis réveillée par des douleurs continues au bas-ventre … Personne n’est encore venu me voir. J’attends encore … Je sais que mon col doit s’effacer et que je ne peux pas non plus passer de 1 cm à 10 cm aussi vite.

Les contractions douloureuses sont présentes depuis 14:45. La sage-femme passe à 15:30 et je suis sous monito. Bébé bouge beaucoup. Ma tension est basse.

16:15. Chéri revient. Ouf je suis soulagée de ne pas souffrir seule.

17h. Je sens bien la petite appuyer sur le col. La sage-femme dit qu’il faut attendre … Je viens d’aller marcher un peu dehors, et là je suis de nouveau dans la chambre.

Ça va pour l’instant, c’est les douleurs qui m’occupent le plus. Elles me prennent toute la sangle abdominale. J’ai l’impression d’avoir le dos coupé en deux.

17:45. Mal de tête, sensation de fièvre. On me branche le tensiomètre.

18:45. Tension légèrement supérieure, contractions ++. La sage-femme va demander à ce qu’on me voit.

19h51. Toujours personne n’est venu, je note mes contractions, chéri s’impatiente de savoir comment ça se passe s’il part, s’il peut revenir, etc. La sage-femme présente n’a pas l’air très efficace. Mes parents ont téléphoné, je leur ai dit être déclenchée, et qu’ils ont le temps de venir que quand j’aurais accouché.

21:30. La sage-femme vient m’examiner. Mauvaise nouvelle : mon col n’a pas bougé. J’ai un « faux travail » = douloureux mais inefficace. Je pleure de douleur.

22:00. On m’emmène au service urgences obstétriques, monito + tension et injection de Nubin, un dérivé morphinique. Là, je « plane » … ; je ne sens quasi plus les douleurs.

23:30. De retour dans ma chambre, je suis shootée, j’ai envie de dormir.

07/11/13

1h … 2h … Réveillée. Chéri est là, ça me rassure.

3h30. Une aide soignante rentre dans la chambre, semble étonnée de voir le papa et lui fait une remontrance car une autre maman doit arriver.  » Dites donc monsieur, il va falloir partir, personne ne vous a autorisé à rester la nuit, c’est pas une chambre d’accompagnant. Ce « réveil » houspillant me fait monter dans les tours… je m’énerve aussi sur sa manière d’houspiller. « Ok mea culpa. Y’a pas mort d’homme. » Elle peut dire la même chose sans gueuler et encore moins prendre ce ton d’houspillade comme si on avait 5 ans, et qui de plus est, un autre soignant avait justement autorisé Monsieur à rester … Bref.

Finalement, chéri part, un peu à contre-coeur … ; mais ni lui ni moi, on a la force du débat…

4:30. Alors que je cherche le sommeil, j’ai quelques contractions … je perds les eaux. Je ne peux rien retenir. J’appelle les soignants. Je file aux wc. Je perds aussi le tampon … C’est la sage-femme qui est davantage présente. L’aide-soignante est là mais bon …

4:50. Le doc dit de me mettre sous monito / surveillance. Et en réunion doc à 8h ils décideront si on me remet un tampon ou s’ils passent à une autre méthode. J’espère la 2ème optique ! A présent les contractions sont plus intenses …

5:10. La sage-femme me fait une piqûre pour tenter soulager douleur, mais rien n’y fait.

5h30. la sage-femme relève le monito, bébé va bien. Elle m’explique qu’il n’y a pas d’autres choix que de faire en sorte de laisser maturer le col. (Jusque demain 😦 ) . D’ici là, ils peuvent essayer de calmer douleurs par le même dérivé morphine qu’hier soir (espacé de 8h) et tenter de remettre un tampon ou du gel de prostaglandine qui pourrait éventuellement aider. A ce moment précis, ils ne peuvent pas mettre l’ocytocine sous perf´ car le col n’est pas encore effacé, et on m’explique que quand ils le font c’est quitte ou double, la seule issue après c’est la césarienne.

7:30. La sage-femme me renvoie aux urgences obstétriques pour voir si on m’administre une piqûre, etc.

7:50. Aux urgences obstétriques, la sage-femme force mon 1 cm en 2 doigts car mon col est maintenant centré (et non plus postérieur). Elle me parle d’une éventuelle péridurale.

8:00. La sage-femme me fait une piqûre de dérivé morphinique, le même calmant que la veille au soir. Elle pense que le travail maintenant va commencer.

J’essaie de téléphoner à Chéri mais je crois qu’il est dans les bras de Morphée il n’entend pas le tél.

Là où je m’attendais à ne pas souffrir, ce n’est pas le cas. Je suis seule, les contractions augmentent, chéri n’arrive pas. Je ne veux pas accoucher sans lui. Le stress se mêle à la douleur. Ma mère téléphone … Mon dieu, c’est pas le moment, j’ai trop mal …

10:30. Arrivée du chéri. Je suis à bout… Attente de mon col à 3 cm pour avoir une péridurale.

11:50. 1ère péridurale : douloureuse, longue et inefficace.

14:00. Ma sage-femme s’énerve un peu contre l’anesthésiste et demande qu’un autre vienne.

14:40. Le 2ème anesthésiste arrive, fait le geste et s’en va… Donc 2ème péridurale qui, enfin, me soulage … Allant même jusqu’une petite sieste.

17:30. Travail en cours. Je ne m’attends pas à avoir quand même mal sous péridurale. L’anesthésiste me rajoute un produit … Dilatée à 5 cm … Il faut attendre encore … Côté état d’esprit : fatiguée par douleurs et manque de nourriture, et je commence à essayer d’imaginer Louise qu’on posera sur moi (histoire de me booster ) !

18:30. On trouve le bon dosage de péridurale pour soulager mes douleurs. Ouf je respire un peu … et surtout je dors … Je me prépare mentalement à accoucher.

19:30. La sage-femme de nuit vient se présenter et m’expliquer la suite : 1 visite par heure avec augmentation du Syntol + massage du col.

Là, s’alternent des phases où je dors, avec les phases où des soins me sont prescrits.

22:30. L’interne gynécologue présent ce soir là m’explique la possibilité d’une césarienne. Les indications médicales sont : le col qui ne bouge pas, le bébé macrosome, et aussi que j’atteins presque les 36h de déclenchement-travail …

23:30. On m’examine et le gynécologue me dit qu’il n’y a guère 36 autres méthodes. Et on me monte au bloc. Et là c’est trop bizarre j’ai la sensation de dormir éveillée … Je me souviens être allongée et attachée, entendre des voix de médecins autour de moi … Je panique, et réussit à me détacher les bras. Je bouge, les médecins s’énervent sur le fait que je bouge. J’entends la sage-femme me dire de ne pas bouger, puis plus rien. Je saurai plus tard que pour le bien de mon bébé et pour mon bien, ils m’ont rajouté un anesthésiant… Du coup, je dors … et du coup, je ne vis rien de mon accouchement.

08/11/13

00:14. Je suis réveillée par des claques, et des coups sur le front par la sage-femme qui me dit « Madame, Madame, embrassez votre fille ! » … Je suis attachée, je ne réalise rien, je vois (tout flou) mon bébé, j’embrasse ma fille, mais déjà, ils partent avec pour s’occuper de ma fille. 4,120 kg pour 54 cm…

2:30 J’émerge, en salle de réveil. Chéri est avec bébé et elle sous couveuse qui est prescrit pour toutes les césariennes mais aussi qui est là pour le transport. Je suis totalement à l’ouest. Chéri m’explique qu’il vient de passer deux heures avec notre fille, à m’attendre … que je peux la toucher … La sage-femme habille notre fille … Enfin, on me la pose sur moi … et nous avons le droit à un moment tous les trois avant qu’on ne nous transfère à notre chambre en maternité …

J’avoue que ces 36 h ont été très longues … À un moment, j’aurais voulu partir … Quand le travail était si pénible, avant la 1ère péridurale et la 2ème … en fait, j’ai vécu et subi à peu près tout ce dont je pouvais avoir peur … Rester des heures à souffrir pour rien … Ou vivre une césarienne …

#321 – 2 naissances au Québec en 2008 et 2011

7 Jan

récit en plusieurs étapes

24 janvier 2011
J’écris ces lignes alors que je devrais dormir. Mon homme est parti pour une heure avec notre petite Charlotte qui aura 3 semaines demain. Il voulait que je me repose. Notre grande Zoé (2 ans) est à la garderie.

Mes deux filles, mes enfants. La première, issue d’une grossesse euphorique et insouciante, la deuxième, d’une grossesse angoissée et fatiguée de travailler à temps plein en m’occupant d’un petit monstre à l’aube de son terrible two et en faisant pousser des petits pieds. Deux êtres qui sont mon plus grand accomplissement : je les ai quand même conçues et portées et je les éduque du mieux que je peux. Deux petits êtres qui sont aussi mon plus grand échec : malgré toute ma bonne volonté, je n’ai pas été capable de les mettre au monde ni de les allaiter exclusivement.

Même si j’ai rencontré les deux au début de ma première grossesse pour faire un choix éclairé, la décision d’être suivie par une médecin généraliste ou une sage-femme s’est prise toute seule. Dès que j’ai mis les pieds à la maison des naissances, j’ai su que c’est dans un environnement comme celui-là que je voulais vivre un des événements les plus importants de ma vie, celui ce mettre au monde mon premier enfant. Je n’avais alors aucun doute en ma capacité d’accomplir ce que des millions de mammifères femelles font depuis la nuit des temps. Il allait aussi de soi que j’allaiterais. Ce n’était pas un choix, mais une évidence. Je trouvais les hauts taux de césarienne alarmants au Québec et même si je savais en théorie que certaines de ces chirurgies étaient nécessaires, j’y voyais surtout l’impatience du personnel médical et sa volonté à tout vouloir contrôler. En choisissant d’être suivie par une sage-femme, je me sentais, à tort, à l’abri.

J’avais bien sûr la crainte de devoir être transférée, particulièrement quand j’ai vu le symbolique 42 semaines approcher à grands pas. Finalement, le travail a commencé « naturellement » alors que, désespérée, je tentais de stimuler mes mamelons au tire-lait manuel à 41 semaines et 5 jours et demi, c’est-à-dire à un jour et demi d’une menace de déclenchement. Il était 22 h. J’étais encouragée lorsque les membranes ont rompu vers 4 h du matin. Vers 8 h, mes contractions étaient plus rapprochées et le premier examen de la sage-femme était encourageant, j’étais déjà dilatée à 6 cm. On est donc partis, mon homme et moi, pour la maison des naissances, certains que ce ne serait qu’une histoire de quelques heures. Mais l’examen vaginal (très douloureux, une façon de me sortir de ma bulle à coup sûr), le fait de quitter la maison et le trajet de 30 minutes ont sensiblement ralenti le travail. Malgré tous mes efforts pour changer de positions, utiliser la gravité, rester active, il m’a fallu près de 12 heures à atteindre 9 cm de dilatation. J’attendais alors avec impatience l’envie de pousser qui devait être imminente, mais à sa place est venue l’inquiétude sur le cœur fœtal qui s’emballait de temps à autre. Vers 22 h, la sage-femme nous a dit que j’avais fait tout ce que je pouvais, mais qu’il nous faudrait plus pour faire sortir le bébé qui commençait à montrer des signes de fatigue. Elle ne voulait pas me décourager, mais j’ai appris par la suite que la dilatation avait régressé d’un centimètre. Moi qui avais jusque-là réussi à gérer la douleur d’une façon qui nous surprenait tous les deux, mon homme et moi, je me suis aussitôt effondrée à l’idée d’être transférée à l’hôpital. Je ne savais pas encore ce qui m’attendait, mais déjà j’avais l’impression d’avoir échoué. Tellement, que je ne me souviens même pas avoir eu vraiment peur pour le bébé. Toute mon attention était centrée sur ce constat : je n’étais pas à la hauteur. Les événements survenus à l’hôpital ont été encore pires que ce je craignais. On a d’abord essayé le Pitocin, même si le gynécologue de garde estimait à 5 % les chances que ça fonctionne. J’ai demandé une péridurale. J’aurais toléré mes propres contractions pendant des heures sans broncher, mais l’idée de devoir supporter des contractions artificielles semblait psychologiquement au-dessus de mes forces. Voyant qu’il n’y avait toujours pas de progrès après une heure (j’ai su par la suite que la tête du bébé était défléchie, ce qui l’empêchait de s’engager dans le bassin et d’ainsi finir de dilater le col), je me suis résignée à signer l’autorisation pour la césarienne avec l’impression de m’enfoncer un tire-bouchon dans le cœur, pour citer Bob Dylan. Ils ont alors augmenté la dose de péridurale pendant que mon homme s’habillait pour assister à la chirurgie. Finalement, ils ne l’ont jamais laissé entrer. On m’a demandé à quelques reprises si je le sentais lorsqu’on appuyait sur mon ventre… puis je me suis réveillée. J’ai alors compris qu’on m’avait endormie et que mon bébé était née sans moi. On ne m’a pas demandé mon consentement pour cette anesthésie générale, ni même informée qu’on allait procéder ainsi. Mon dossier médical, que j’ai consulté par la suite, ne permet pas de comprendre où était l’urgence. Il y est noté : « AG (péri inadéquate) », tout simplement, et aucun monitoring du cœur pendant cette étape n’est rapporté. L’hypothèse la plus probable est que monsieur l’anesthésiste s’est fait réveiller en pleine nuit et qu’il n’a pas eu la patience d’attendre. Je me suis réveillée avec un ventre sans sensation que je devinais vide, seule, hormis des infirmières inconnues qui me croyaient encore endormie et qui discutaient de ma « belle petite fille », alors que j’avais spécifié vouloir moi-même découvrir le sexe du bébé. Lorsque j’ai été en mesure de parler, j’ai demandé à voir mon homme et mon bébé, ce qu’on m’a refusé, puisque mes jambes étaient toujours endormies (oui, la péridurale avait fini par embarquer!), ce qui bien entendu était pour moi un non-sens total, mais j’étais trop faible pour argumenter. Ce fut le début de notre vie de famille. Tom dans une pièce, Zoé dans une autre et moi dans les vapes. Génial. On dit que la première heure est critique pour l’attachement mère-enfant et l’allaitement. Et bien dans mon cas, cette séparation de plusieurs heures à la naissance s’est soldée en plusieurs semaines à n’aimer ma fille qu’en théorie et en une lactation qui malgré tous mes efforts, n’a jamais été suffisante pour allaiter exclusivement.

Je savais dès la naissance de Zoé que je voulais un AVAC pour la prochaine grossesse. Le gynécologue se faisait encourageant, il ne voyait même pas d’objections à ce que je sois encore suivie pas une sage-femme, ce qui est bien, considérant que plusieurs d’entre eux proposent encore systématiquement des césariennes itératives. J’ai dès lors commencé à m’informer sur l’AVAC. Encore une fois, je n’ai pas eu à prendre de décision, c’était pour moi la seule option envisageable. J’étais seulement contente que mes lectures viennent confirmer à ma tête ce que mes tripes sentaient déjà : l’accouchement vaginal était dans la plupart des cas (dont le mien) la façon la plus avantageuse et sécuritaire de donner naissance, même après une césarienne. J’espérais aussi que cela viendrait en partie réparer mon premier accouchement raté, me confirmant ainsi que j’étais une vraie femme, capable de donner naissance et, je l’espérais, de nourrir mes enfants.

Je suis tombée enceinte une première fois lorsque Zoé avait 11 mois. Une semaine de bonheur. Je ne saurai jamais si c’est mon corps qui n’a pas su le garder ou si c’est le petit qui était mal formé ou qui n’a pas tenu le coup, mais pendant quelque temps, il a existé dans mon ventre un petit amas de cellules que je ne connaîtrai jamais. Pourtant, il m’aurait appelé « Maman »…

Les quelques cycles suivants viendront avec des règles amenant un nouveau genre de déception. Ce n’est plus juste la hâte d’être enceinte, mais aussi la peine de ne pas l’être. Quatre mois plus tard, ça y est de nouveau. J’avais décidé d’attendre deux semaines de retard pour faire le test afin d’avoir au moins dépassé le stade de la grossesse précédente, mais je flanche au bout d’une journée. Je suis trop fébrile, j’ai peur de ne pas être enceinte et en même temps, j’ai peur de l’être et de le perdre à nouveau. Je décide donc d’éliminer au moins une des peurs, et voilà! un beau « + » rose sur un bâtonnet de plastique blanc.

24 août 2011
Charlotte s’est endormie dans l’auto et je suis assise sur le siège passager en attendant qu’elle se réveille. Elle aura 8 mois dans une dizaine de jours. Je viens de tomber sur mon récit inachevé. C’est un bon moment pour le continuer.

J’ai passé le premier trimestre enceinte de Charlotte à angoisser. J’avais peur de perdre mon bébé une seconde fois et j’ai eu une frousse lorsqu’il y a eu des cas de 5e maladie à la garderie de Zoé et qu’il a fallu 3 semaines avant de savoir si j’étais immunisée. Mais plus encore, j’angoissais au sujet de la naissance. J’étais au bureau, incapable de me concentrer sur mon travail, à chercher des articles scientifiques sur l’AVAC.

La naissance de Zoé tourne en boucle dans ma tête et j’arrive toujours au même point de départ. Si j’étais restée à la maison, ça se serait peut-être passé autrement. C’est aujourd’hui tellement évident que l’accouchement à domicile est la meilleure option. Je m’en veux d’avoir choisi la maison des naissances seulement pour le luxe de ne pas avoir à gérer le ménage et les repas pendant deux jours. J’en veux aussi à ma sage-femme de ne pas avoir confronté mon choix. Je lui avais pourtant fait part du fait que ma seule crainte était d’être transférée et elle n’aurait eu qu’à me dire qu’il y avait plus de transferts en maison de naissance qu’à domicile, que le trajet cause souvent un ralentissement du travail, pour que je brandisse mon stylo en disant « Où est-ce que je signe? »

Ma sage-femme (la même) m’informe que l’Ordre des sages-femmes émettra de nouvelles recommandations concernant les AVAC à l’automne. Je ne saurai donc pas avant le 3e trimestre si je peux espérer un accouchement à domicile, ou même avec une sage-femme. Je devrai aussi attendre à 36 semaines de grossesse pour faire mesurer ma cicatrice afin de voir si le risque de rupture utérine est acceptable. Cette étude est encore expérimentale, mais après quelques recherches, je trouve que c’est prometteur. Si tout est favorable, ça me donnera un argument en défense de l’AVAC si je dois terminer mon suivi à l’hôpital et j’aime l’idée de contribuer à faire avancer la recherche sur l’AVAC.

Finalement, l’Ordre des sages-femmes ne change pas ses directives. Une bonne chose de réglée, mon accouchement à domicile n’est pas compromis. Ma sage-femme principale quitte la région et j’en ressens un grand soulagement. Je repars vraiment à neuf. L’environnement, le personnel présent, tout sera différent du contexte entourant la naissance de Zoé.

Je « magasine » entre-temps une accompagnante (doula). Je croyais avant que ce rôle était entièrement assumé par la sage-femme, mais je comprends maintenant qu’un biais venant de leur formation médicale et de leur responsabilité est inévitable. J’ai besoin d’une personne dont la seule fonction est de m’assurer une présence réconfortante, à l’abri des considérations médicales. Les accompagnantes sont rares dans la région, mais je finis par choisir Cathy (nom fictif). On partage la même vision et le fait qu’elle ait vécu elle-même de beaux accouchements légitimise mon désir d’en vivre un.

Je fais plusieurs lectures : témoignages sur l’AVAC, récits d’accouchements naturels… J’essaie aussi de me garder en forme. Je marche pour aller travailler. J’ai quelques rendez-vous en ostéopathie afin de favoriser une bonne mobilité du bassin.

À 36 semaines, nous nous rendons à Québec pour la mesure de cicatrice. Je suis très angoissée, mais finalement, les résultats sont excellents. Le risque de rupture est faible et même si j’ai catégoriquement refusé qu’on chiffre mes chances de succès (ou qu’on me donne un estimé du poids du bébé), le gynécologue responsable de l’étude est très optimiste. Je suis encouragée.

Mon accompagnante et ma sage-femme m’incitent à faire des exercices de visualisation de l’accouchement. C’est très difficile pour moi qui suis une personne rationnelle ayant peu d’imagination, mais je m’y exerce.

J’arrête de travailler à 38 semaines de grossesse. Je suis énorme, j’ai de la difficulté à marcher et j’ai vraiment hâte que le travail commence. Je n’ose pas encore parler d’accouchement, je trouve ça présomptueux. Je parle plutôt de la naissance ou de l’arrivée du bébé, mais je commence vraiment à croire que ça se passera bien.

J’ai cependant peur de dépasser le terme. Le gynécologue que j’ai vu pour la mesure de ma cicatrice était plus encourageant que ce que je croyais concernant les déclenchements. Ce n’est pas contre-indiqué si le col est complètement effacé et dilaté à au moins 2 cm, mais je ne suis pas encore là. J’ai accepté le décollement des membranes à partir de 39 semaines (même si je suis contre en théorie), parce que cela réduit les risques de dépassement et que je ne veux pas ajouter une source de stress.

À 40 semaines et 4 jours, je me lève pour aller aux toilettes vers minuit. Je constate qu’il y a beaucoup de liquide. Les membranes ont rompu. Je suis d’abord soulagée. Cette fois-ci, je n’aurai pas le stress d’approcher les 42 semaines. Mais je réalise rapidement que le compteur commence à tourner. Si le travail ne commence pas dans les 24 prochaines heures, il faudra me transférer à cause des risques d’infection (sont-ils vraiment documentés?). J’appelle Louise (nom fictif), la sage-femme qui est de garde. Elle vient m’examiner. Il n’y a pas de progrès depuis le dernier décollement. Elle nous conseille d’essayer de nous reposer pour l’instant et d’attendre au matin avant d’essayer de stimuler le début du travail. Je réussis à dormir un peu malgré l’anxiété.

Vers 7 h, toujours pas de contractions. J’appelle Cathy pour lui faire part des derniers événements. Elle arrive chez moi environ une heure plus tard. Louise repasse aussi nous voir en début de matinée. On explore les différentes options. Je fais plusieurs séances de tire-lait électrique. Même si je suis sceptique, on se procure des granules homéopathiques et on prend même rendez-vous chez l’acuponcteur. On s’y rend à pied, espérant que le mouvement et la gravité feront leur œuvre. Je craque pendant la première séance. Ça fait deux ans que je me prépare pour ce grand moment, pour enfin avoir une chance de me racheter. Pourtant, je n’aurai peut-être même pas l’opportunité de l’essayer! Cathy et Louise voient ma détresse et me demandent ce qui me ferait le plus de bien à ce stade. J’ai seulement envie de prendre ma guitare et de chanter. On retourne donc à la maison et je m’installe sur le ballon avec ma guitare. Comme d’habitude, ça me fait du bien, ça m’apaise et ça libère mon surplus d’émotions. Mais je ne me sens pas du tout sur le point d’accoucher. La présence de Zoé commence à être dérangeante. Ma mère l’emmène chez mon père. J’aurai deux autres traitements d’acuponcture durant la journée, sans aucun résultat. On parle d’huile de ricin. Louise n’est pas convaincue. Elle dit que c’est violent et qu’on ne sait pas trop l’effet que ça peut avoir sur un AVAC. Je réponds qu’une césarienne, je trouve ça très violent aussi, mais en réalité, je ne suis pas du tout à l’aise avec l’idée de perdre le contrôle de mes intestins. On décide finalement de ne pas le tenter, choix que je conteste encore aujourd’hui. Louise croit qu’on serait mieux de transférer à l’hôpital en fin d’après-midi plutôt que d’attendre en pleine nuit. On risque ainsi de trouver un personnel plus accommodant. Je refuse. Si je dois transférer, ce sera à la dernière minute. En fin d’après-midi, Cathy nous suggère de monter la piscine de naissance qu’on a achetée pour l’occasion. Le fait d’être dans l’eau aura peut-être pour effet de me relaxer et de suggérer à mon corps qu’il est temps qu’il fasse son travail. On passe près de trois heures dans la piscine. Tom, que je trouvais très distant ces derniers temps, est soudainement présent. Il m’aide à faire mes exercices de visualisation. Je réalise tout de suite qu’il a été coaché par Cathy et je lui en suis reconnaissante. Les filles reviennent vers 7 h. Louise m’examine encore. Rien n’a bougé. On se met d’accord pour transférer à minuit s’il n’y a pas de nouveau. Cathy nous suggère d’aller marcher. On opte pour Rocher Blanc. C’est sur le bord du fleuve, c’est tranquille. On s’y promène pendant près d’une heure avec le vent de janvier qui pince en répétant I will give birth comme mantra. Je trouve que ça « punch » plus en anglais. Une partie de moi trouve ça ridicule, mais je n’ai vraiment rien à perdre. Finalement, on revient chez nous vers 22 h et on décide de se reposer.

À minuit, on se rend à l’hôpital. Je fonds en larmes pour la Xième fois. Louise et Cathy nous rejoignent. La gynécologue qui nous reçoit accepte d’attendre au lendemain avant de planifier une césarienne à condition que je sois sous antibiotiques pour prévenir la plupart des infections. Mais elle nous explique que cela ne sera efficace que quelques heures. On se repose un peu tous les deux collés sur le minuscule lit d’hôpital.

6 juin 2012
Charlotte a eu 17 mois il y a deux jours. Je nage dans mes souvenirs d’enfantement depuis quelques semaines. J’ai fait visiter la Maison De Naissance à une amie à nous qui aimerait y être suivie pour sa grossesse. Je me doutais que ce serait émotif et j’avais raison. Surtout lorsque je lui ai présenté les deux sages-femmes en disant que Louise  était là quand j’avais essayé de donner naissance à Charlotte et que les deux sages-femmes m’ont répondu en même temps : « Ben non, dis pas que t’as pas accouché! » (!&!*&!?*!&?!! Que je le dise ou non, un fait demeure : JE N’AI PAS ACCOUCHÉ!) J’ai justement aussi écrit un article sur les phrases plates (celle-là en fait partie) à dire aux femmes ayant subi une césarienne pour la revue En attendant bébé et je suis en train de considérer pour la première fois de porter plainte contre l’anesthésiste qui m’a endormie sans mon consentement. C’est en essayant de formuler un premier jet que je tombe sur mon récit inachevé.

Les contractions que j’espérais tant ne sont pas venues avec le matin. Nous attendons que la nouvelle gynécologue de garde passe nous voir. Mon col n’a pas bougé et la gynécologue n’a rien de neuf à proposer. Mon col n’est toujours pas assez mûr pour un déclenchement et elle reparle des risques d’infection qui supposément sont trop élevés pour attendre plus longtemps. Pourtant, ce risque n’est apparemment pas connu ni des sages-femmes ni des gynécologues. J’accepte donc une autre césarienne, parce qu’on réussit à me faire assez peur avec un risque mal documenté. J’en veux à Louise de ne pas avoir été plus informée, mais je m’en veux encore plus de ne pas avoir fait de recherche sur le sujet. J’avais prévu plein de scénarios (peut-être trop), mais pas celui-là. La césarienne est donc planifiée pour la matinée. J’ai établi un plan de naissance très clair. Il n’est pas question de reproduire le même scénario qu’à la naissance de Zoé. Au final, ce plan est loin d’être respecté dans sa totalité, mais je sens quand même que le personnel y est sensible.

8 décembre 2012
Je ne vais pas très bien. Il y a un peu plus d’un an, j’ai pris conscience que je n’avais pas à pardonner (à moi, à la sage-femme, au gynéco, à l’anesthésiste, aux infirmières, à la société et à la vie en général) ce qui s’est passé, parce que c’est à mes yeux impardonnable. Tenter d’accepter serait comme une trahison envers moi-même. Suite à cette révélation, je réussissais à garder mon traumatisme sous contrôle, sauf deux ou trois épisodes mensuels que je gérais assez bien. Mais dans les derniers mois, j’ai été confrontée à beaucoup d’autres sources de stress d’origines diverses et mes batteries sont à plat. Pendant 3 semaines, les 2-3 épisodes par mois se sont transformés en 2-3 par jours. Je voyais la dépression s’installer et j’ai eu peur. J’ai décidé de réduire toutes mes activités au minimum, de me concentrer sur l’essentiel et de revoir la psychologue que j’ai vue en trois phases déjà depuis la naissance de Zoé. En une semaine, je me sens déjà beaucoup mieux. Mais c’est de courte durée, et après un autre trois semaines, j’ai encore l’impression de sombrer. Je savais très bien que la naissance de mes filles n’était pas une histoire réglée, mais je ne m’attendais pas à ce que ça ressurgisse avec autant de force quand je suis à terre pour d’autres raisons. Comme si une bête attendait dans un coin que je sois fragile pour pouvoir mieux attaquer. Je suis très active sur la page Facebook de Momma Trauma, une page dédiée à la violence périnatale et au syndrome de stress post-traumatique suite à l’accouchement. Je m’en doutais déjà, mais c’est de plus en plus clair pour moi que c’est le bon diagnostic. Plus que jamais j’envisage de porter plainte contre l’anesthésiste en particulier et les pratiques obstétricales du centre hospitalier en général. Ce témoignage me servira de base dans mes démarches. Zoé aura quatre ans dans une semaine. C’est un bon moment pour continuer.

Je veux avoir l’assurance que je ne serai pas séparée de mon bébé et que je pourrai allaiter dans la salle de réveil. On ne peut pas me le garantir. L’infirmière dit qu’elle amènera le bébé dans la chambre de réveil si elle a le temps. Je la sens sincère et compatissante, mais elle a quand même un travail à accomplir et elle est débordée. Je mange un peu en cachette avant de me faire dire que je dois rester à jeun. Ça m’insulte. Je sais que c’est au cas où ils « doivent » faire une anesthésie générale, mais sachant très bien que ce n’est pas ce qui a arrêté l’anesthésiste la dernière fois (j’avais mangé et bu comme je voulais avant d’arriver à l’hôpital), j’ai l’impression qu’on rit de moi. On veut que je mette une jaquette d’hôpital et que j’enlève mes sous-vêtements. Je n’en vois pas la nécessité à ce stade et je trouve ça humiliant. On argumente, mais il n’y a rien à faire. C’est apparemment le protocole.

Je pars sur une civière pour la salle d’anesthésie. Je pleure silencieusement, Tom à mes côtés. Le technicien essaie de se faire rassurant : « Ben oui, je le sais que tu as peur, mais tu vas voir, ça va bien se passer. » J’ai envie de hurler que je n’ai pas peur, mais que je suis triste, fâchée, indignée, désespérée, détruite!!!!!!! Mais à quoi bon? Lui aussi, il fait juste son travail. J’insiste beaucoup pour que Tom assiste à l’anesthésie. Rien à faire. Je me retrouve encore une fois seule entre les mains du personnel médical en qui je n’ai aucunement confiance. On procède à la rachidienne. Bientôt, j’ai de la difficulté à respirer et je suis un peu paniquée. Ça ne semble pas les impressionner, ils sont habitués. Tom revient pour l’opération. On a tenté de négocier qu’il reste avec bébé si je dois en être séparée, mais que Cathy m’accompagne en salle de réveil. Là aussi, on se bute à un mur. Je devrai encore une fois vivre cette étape seule. Ils procèdent à la chirurgie. Ils sortent le bébé et cette fois, je peux moi-même découvrir que nous avons une autre petite fille. Je dois insister pour qu’on la mette sur moi tout de suite. Je crie. Tom insiste en français du mieux qu’il peut. Est-ce qu’ils font exprès ou quoi? Pas besoin de l’essuyer! Ils la déposent finalement sur mon cou pendant quelques minutes, ou quelques secondes? C’est le seul endroit de mon corps que je sens encore. Un des membres de l’équipe m’informe qu’il est en train de me mettre un suppositoire pour la douleur. La raison pour laquelle il ressent le besoin de m’en avertir m’échappe complètement. Est-ce que ça pourrait être plus humiliant? Visiblement, ce n’est pour eux que de la routine.

Finalement, je réussis à avoir ma fille quelques minutes en salle de réveil. Elle doit déjà avoir une vingtaine de minutes de vie. Ses 20 premières minutes, et je les ai manquées encore une fois! J’essaie de la mettre au sein. Elle tète un peu, mieux que Zoé à cet âge. Je suis un peu encouragée. Mais c’est de courte durée. Pas plus de 24 heures plus tard, je commence déjà à angoisser au sujet de la montée laiteuse. L’accouchement que je désirais tant n’a pas eu lieu. Je suis très consciente qu’il me faudra ajouter un autre deuil par-dessus celui de la naissance de Zoé, mais je n’ai pas le temps d’y penser pour l’instant. Je dois me concentrer sur l’allaitement. Je sais très bien que la montée laiteuse peut prendre plusieurs jours et encore plus dans le cas des césariennes, mais ça ne m’empêche pas d’entrevoir le pire. Au bout de deux jours, on m’informe que ma fille fait de l’hypoglycémie et qu’il « faut » commencer à la supplémenter. Après, c’est une jaunisse. Il lui « faut » de la photothérapie. Je suis très consciente que si elle était née à la maison comme prévu, tout cela aurait pris des proportions moindres. On m’aurait encouragée à allaiter plutôt que de s’énerver avec des tests bidon. Mais je n’ai pas l’énergie pour argumenter. On rentre chez nous au bout de quatre jours. Je n’aurai finalement pas de montée laiteuse encore une fois. Césarienne, séparation mère-bébé, stress, fatigue, grand état de tristesse et d’angoisse. Pas exactement un départ optimal une fois de plus.

En résumé, je croyais que mon corps était fait pour enfanter et que la naissance de mes enfants ferait les plus beaux jours de ma vie. Ce fut les pires. Je croyais que comme tous les mammifères, je nourrirais mes enfants exclusivement de mon lait pendant leurs premiers mois de vie. J’ai persévéré avec l’allaitement mixte (préparation commerciale et don de mes amies) au DAA, en tandem même, et je suis fière de dire que je les allaite encore toutes les deux aujourd’hui. La dimension affective est clairement prédominante sur la dimension nutritive, mais bon, c’est une petite victoire dans un océan d’échecs et de déceptions.

Nous avons décidé, pour plusieurs raisons, de ne plus avoir d’enfants. J’essaie de me faire à l’idée que je ne connaîtrai jamais ce que c’est de mettre au monde son enfant et d’avoir un départ optimal pour l’attachement et l’allaitement. Maintenant que cet espoir n’est plus, il ne me reste que la colère, la tristesse, la culpabilité et le ressentiment. Je sais que c’est cliché, mais je ne suis pas prête à les laisser aller. Voilà.

10 novembre 2013
Je me trouve présentement dans un chalet sur le bord d’un lac. Je fais une retraite de  48 heures avec 1 seul point à l’ordre du jour : terminer de rédiger ma plainte. Quelle bonne idée j’ai eue! Je procrastine depuis beaucoup trop longtemps en me disant que ce n’est pas le moment de me mettre à terre. Évidemment, il n’y a jamais de bon moment pour ça. Aussi bien en finir.

 

– Eli Blanc

#246 Prisca, Nogent-sur-marne en Janvier 2013‏

17 Mar

« 28 Janvier 2013, 5h du matin; en plein sommeil, je suis surprise: je perds les eaux.

Je suis à 1 semaine de mon terme; j’avais tellement hâte que ce jour arrive, on y est, je vais pouvoir voir mon fils!!
Je réveille mon homme au cri : « Chou, je perd les eaux, réveille toi! ». Le pauvre, il sursaute et me demande ce qu’il doit faire. Je suis très calme bizarrement; il me ramène une serviette pour que je puisse me coucher dessus car je suis encore allongée. J’ai déjà des contractions.
Je lui demande d’appeler le Samu pour qu’on nous envoie une ambulance pour m’emmener à la clinique où je dois accoucher. Je prends une bonne douche pour calmer les contractions qui se rapprochent… Je termine de ranger mes affaires pour la maternité; j’ai mal mais c’est supportable, il est 6h.
Mon homme a appelé le Samu entre temps; il n’y a pas d’ambulance de disponible avant 8H30, demande trop forte, je vais devoir attendre. Je les appelle moi même et discute avec un médecin qui me demande comment je me sens; je lui dit que j’ai des contractions depuis 2h et j’ai peur d’accoucher chez moi si je n’ai pas une ambulance d’ici là; il ne peut rien faire, je vais devoir attendre ! Incroyable. Les ambulances privées n’ouvrent qu’à partir de 8h30. Je commence à paniquer et j’ai de plus en plus mal. Il est 7h.
Je contacte un ami qui habite pas loin de chez nous. Il arrive 30 mn après, nous emmène à la clinique en 45 mn; il est 8H30. J’ai toujours mes contractions mais la douleur est gérable.
Après les analyses d’usage, nous sommes installés dans une grande salle. Tout le confort y est, rien à dire. Mon lit donne sur 2 grandes fenêtres, la pièce est ensoleillée, pleine de lumière, ça me détend.  J’ai mal. De plus en plus. J’ai pris la péridurale en option et pour le moment je ne la veut pas. Je n’arrêterai alors plus de regarder l’horloge en face de moi, c’est horrible !
La sage femme s’active autour de moi; elle me parle (je ne connais pas son prénom) mais c’est agréable, j’en oublie la douleur de temps en temps, elle dit des choses marrantes. Le monitoring est posé, mon bébé va bien.
Elle m’ausculte; aaaahhhhhggg, de déteste ça; les touchers vaginaux m’ont répugnée pendant toute ma grossesse, et là je dois encore les subir pfffff…mais je n’ai pas le choix. Le liquide ne présente pas une belle couleur, il y a du méconium. Mon gynécologue est présent, c’est lui qui va m’accoucher. Mais on va attendre, je dilate bien. On est à 4, il est environ 09h. J’ai horriblement mal mais je veux supporter. J’ai pris peu de médicaments durant toute ma grossesse; je veux que mon accouchement soit le moins médicalisé possible. Je tremble de froid, de peur?
Vers 10h30, je suis encore lucide, la douleur devient insupportable, mon homme est intimidé par toute cette agitation autour de moi, car la sage femme n’arrête pas d’aller et venir, elle lui demande de remplir des documents administratif pendant que je me tord de douleurs, elle prépare les affaires du bébé pour sa sortie. La douleur est si intense que je suis ballotée entre l’éveil est le sommeil; je suis épuisée, quand je m’assoupis un peu j’ai une contraction qui « m’arrache le bas ventre » ! Mais je tiens, je veux vivre cette naissance ! Je m’inquiète pour mon chéri qui tombe de sommeil, a faim et ne sait pas quoi faire pour me soulager. Je lui demande de s’asseoir près de moi (la salle est tellement grande que je me sens seule quand je ne l’ai pas dans mon champs de vision) pour me tenir la main. On discute un peu puis il s’endort.
Quand la sage femme revient, je lui dit que j’ai trop mal, elle n’y peut rien. Je dois supporter. Elle sort,  je m’assoupis un peu et quand elle revient, elle est accompagnée de l’anesthésiste; je suis comme droguée par la douleur que je ne réagis pas trop quand il me dit qu’il va me me poser la péridurale. Je dis oui; j’ai trop mal. Ça va vite, en 5mn elle est posée et je me sens un peu mieux mais je suis déçue. Je n’ai pas tenu, je ne comprends pas ce qui s’est passé, pourquoi me l’ont-il posée alors que je ne la voulais pas? Néanmoins, j’ai moins mal.
La péridurale ne tient que 30mn, les douleurs reviennent, plus intenses. Je tremble toujours autant malgré les couvertures. Je ne dilate plus. Je suis à 5. Au contraire mon utérus SE CONTRACTE.
On me remet une dose de péridurale. Pourquoi? La SF me dit que c’est sûrement les contractions qui font que j’ai arrêté de dilater. Elle contacte mon gynécologue. Il dit qu’on attend encore 1h pour voir comment ça évolue. Je panique. est-ce normal ? Serait-ce de ma faute ? Je n’ai pas de réponse claire, sauf que si je ne me remet pas à dilater, une césarienne sera nécessaire.
Non pas ça. Je me met à envisager le pire. Je ne sens plus mes jambes à cause de la péridurale, je suis comme paralysée, il n’y a que mes mains que je peux bouger. Je ne veux pas de cette césarienne. Pas ça Seigneur!
Finalement le verdict tombe: 30 mn après (on attend plus 1h?) la SF m’ausculte et m’annonce que je descend au bloc! Je me met à pleurer; mon homme ne comprend pas non plus mais reste lucide. Je ne sens plus une partie de mon corps, je serai seule en salle d’opération, mon homme ne peut pas entrer en salle d’op. En 10 mn, je sors sur un brancard, accompagnée de ma SF et d’une SF en stage. Cette dernière tente de m’apaiser en me caressant la main au vu de mes larmes… Je lui en suis reconnaissante mais ma déception est si grande! J’avais tout envisagé sauf ça!
Au bloc, je suis préparée dans un brouhaha qui m’étonne : l’anesthésiste se prend la tête avec ses collègues. La stagiaire est restée près de moi, elle me regarde en souriant, me caresse la joue; c’est la seule d’ailleurs à se soucier de moi qui suis allongée au milieu de la salle, tremblotante ! On me prépare comme une pièce de viande prête à être dépecée. Je me laisse faire. Je ne sens rien de toute façon. J’en oublie même que j’ai un bébé dans le ventre, le pauvre…
Mon gynécologue arrive, et m’explique ce qu’il va faire. Il en me dit pas par contre que je vais tout sentir. L’anesthésiste est à mon chevet, il me parle, je l’écoute à peine. Je regarde le plafond et me sens si seule. Je ne sais pas ce qui m’attend. Un grand rideau bleu, me sert d’écran.
Il incise, ça ne fait pas mal; puis je sens comme une déchirure; j’ai la sensation qu’on m’arrache les intestins,qu’on m’écartèle. Il tire quelque chose de moi, si fort que je lâche un cri de douleur!
Et là, je l’entends crier, mon bébé. Nathanaël est parmi nous. On me le montre. Il pleure et moi aussi, de joie, d’amour ! La dame qui le tient l’approche de mes lèvres et je peux l’embrasser plusieurs fois, je l’aime tellement. J’oublie quelques instants comment il est né. Puis elle l’emmène. Le gynécoloque me dit qu’il est en bonne santé.
Il remet je ne sais quoi en place après, j’ai mal, je crie. On me dit presque de me taire, que c’est fini. L’anesthésiste me demande de lui faire un sourire. Dans l’état ou je suis?
Mon bébé est né à 15h15. Je ne l’ai retrouvé qu’à 20h. Il n’a pas eu de peau à peau avec son père qui est resté près de lui.
Je me suis renseignée après d’une autre SF: dans les cas où une femme ne dilate plus, elle donne un anxiolytique… et ça fonctionne.
Néanmoins, mon bébé se porte comme un charme aujourd’hui. »

#222 Anonyme – Hérault

3 Mar

« Je suis rentrée à la maternité le 7 novembre pour déclencher l’accouchement suite à un dépassement du terme de 5 jours. N’étant pas prioritaire mon mari et moi avons attendu pendant 3h que quelqu’un s’occupe de nous. C’est pendant cette attente que contre toute attente, les contractions ont débuté et durant toutes la nuit elles se sont intensifiées et régularisées. Moi – qui m’étais préparée au déclenchement et à ses conséquences – étais heureuse, je prenais chaque contraction avec sérénité, le grand moment était venu.
Vers 6h du matin je me décide enfin à appeler une sage-femme lorsque l’intensité est telle (bien qu’aujourd’hui je n’ai pas le souvenir qu’elles étaient si fortes) que je m’évanouis et vomis le vide de mon estomac à chaque contraction. On m’installe alors en salle de travail et les heures passent tranquillement, j’ai droit au gaz pour soulager les douleurs et éviter vomissements et évanouissements. Le gaz me fait rigoler et mon mari se moque de moi. Nous sommes sereins et heureux. Vers 10h l’anesthésiste arrive enfin, maintenant je sens les contractions mais je n’ai pas mal, les effets du gaz disparaissent et je peux profiter un peu mieux de l’évènement. Toutes les heures la sage-femme vient vérifier l’avancée du travail. Il y a même une gynéco stagiaire qui l’accompagne. Elles sont très gentilles et sont de bons conseils. Le travail avance bien mais mon fils est trop haut et la poche des eaux ne se rompt pas. Seulement si la sage femme fissure la poche des eaux, le cordon risque d’être attiré vers le bas au moment où elle le ferait et mon fils ne pourrait plus sortir. Alors avec mon mari on parle à notre fils on lui demande de descendre et de venir nous rencontrer. Finalement lors d’un examen cette poche se rompt. Ça avance bien…
Et puis vient le moment où la sage-femme commence à m’interroger sur le poids estimé de montre bébé, sur le poids de mon frère et moi à la naissance et si ma mère a accouché par voie basse. Ces questions auraient du nous mettre un peu la puce à l’oreille ou du moins nous inquiéter un peu plus sur l’issue de ce travail. Puis soudain je commence à re-sentir douloureusement les contractions, la sage-femme tente alors de réinjecter de l’anesthésiant mais sans succès. On me redonne le gaz. Je recommence alors à perdre le fil de cet accouchement. Je sais que je crie, à plusieurs reprises je m’en excuse auprès de la sage-femme. Je commence aussi à raconter n’importe quoi… Sous l’effet du gaz j’entends les personnes parler « dilatation 6» depuis 3h le travail est arrêté. On me demande de pousser pour aider le bébé à descendre. Je change de position, une sage-femme vient me faire de l’acupuncture. L’anesthésiste revient et ne comprend pas pourquoi les nouvelles injections d’anesthésiant ne marchent pas, elle décide alors de me refaire une autre péridurale, qui marche. Il est surement vers les 16h30 et je reprends conscience de ce qui se passe autour de moi. C’est aussi le temps du changement d’équipe. Et là les choses se corsent, ils ne sont plus d’accord. La première équipe veut poursuivre l’accouchement par voie basse et me réinjecter de l’ocytocine. La deuxième ne veut pas car mon fils ne récupère pas assez bien. Consciente j’ai peur, mon mari aussi. Puis vient le gynéco en chef il m’ausculte, regarde le monito et demande qu’on prépare le bloc, si ça continue comme ça il ouvre. La sage-femme que j’ai eu toute la journée vient et me rase. Elle m’explique que s’est une précaution au cas où.
C’est la dernière fois où je la vois ce jour là, quelques minutes après le gynéco déclare qu’on va au bloc. Il est 17h45 environ. A ce moment il y a toute une nouvelle équipe autour de moi. Je ne saurais en reconnaître aucun. On me déplace sur un autre lit. On me demande de quitter mes lunettes et d’embrasser mon mari. On lui demande de sortir dans le couloir qu’on le préviendrait au moment venu. Dans ce lit roulant je traverse tout le service, les larmes aux yeux, je me sens si seule. Et je suis seule.
Seule. Plus personne ne s’occupe de moi, de moi en tant que personne. Je ne suis qu’un corps qu’on va ouvrir. On ne s’adresse plus à moi sauf pour me demander de tendre mon bras le droit puis le gauche. Autour de moi on s’agite dans tous les sens pour installer le matériel. Je ne sais pas ce qui se passe, on ne m’explique rien et je ne connais personne. Soudain je sens qu’on m’ouvre. Je demande si c’est normal que je « sente » la lame et les pressions exercées sur mon corps, pas de réponses. J’entends parler d’études de médecine, de centre de loisirs, des derniers achats d’une femme. Et moi je suis seule sur cette table, je ne vois rien, je sens des choses sur mon corps mais je ne sais pas ce qui se passe. Je pense alors à mon fils et à mon mari.
Et puis vient le moment de soulagement où j’entends mon fils pleurer. Je pleure aussi. En seulement 10 min il était né… On me le laisse apercevoir 2sd mais je n’aperçois qu’un infime bout de peau bleue. Aujourd’hui je me demande même si je l’ai réellement vu ou pas. Mais je l’ai entendu crier et je me raccroche à ça alors qu’on est déjà en train de me recoudre. Je ferme alors les yeux pour ne pas me concentrer sur ce qui se passe derrière ce tissu. Puis j’ai la nausée, on m’ordonne de me retenir que ce n’est pas le moment. Mais je n’y peux rien. Je me mets alors à fredonner un air inventé. Les femmes derrière moi rigolent, mais je n’ai trouvé que ça pour ne pas vomir ! Puis le chir’ se vantent de la rapidité du travail qu’avec deux stagiaires avec lui c’est trop rapide. Il quitte le bloc et je ne le revois plus. Il a fait son travail, il a sorti mon fils. Les femmes autour de moi s’affairent à ranger. Je reste les yeux fermés à attendre. Puis l’anesthésiste arrive au bloc et lance à l’assemblée « vous savez combien il pèse ce bébé ? 4kg 210 (alors qu’il était estimé à 3kg500)» je souris mais j’aurais aimé qu’on s’adresse à moi, qu’on me dise qu’il allait bien, qu’il était avec son père. Mais rien. Et puis je commence à avoir très froid. Je tremble. Je le dis. Mais on me répond que c’est normal. On continue de ranger. Puis j’ouvre un peu les yeux et dans un battement de porte, j’aperçois mon mari et mon fils dans la pièce en face du couloir. Je lui fais un signe de la main pour le rassurer. Je vais bien. Notre fils aussi va bien.
Il est 19h00 et je suis amenée auprès de mes deux hommes. Notre fils est en peau à peau avec son papa. Pendant qu’on me branche de partout, tremblante de froid, je les regarde tous les deux. Je suis apaisée. Mon mari me le présente je peux enfin le toucher du bout des doigts. Je suis faible et frigorifiée. Il me faudra bien une bonne heure pour ne plus trembler mais aussi pour reprendre mes esprits. J’appelle ma maman et je lui dis combien mon fils est beau et que je vais bien. Sa voix me fait du bien mais j’aimerai retourner dans ma chambre et ne plus avoir tous ces fils sur moi, pouvoir tenir mon fils contre moi.
Après 10h dans cette salle de réveil, on vient s’occuper de nous. On débranche une partie des fils, on me change, je me sens mieux. Et puis surtout on nous autorise à retourner dans notre chambre en famille.
La suite du séjour n’a pas été évidente non plus. D’un point de vue physique je n’avais pas à me plaindre, j’ai bien supporté l’opération. Le vendredi après midi, je me levais et marchais jusqu’aux toilettes. J’ai aussi pris une douche! Les sages-femmes étaient étonnées que je ne prenne pas de calmants. Mais je n’avais pas mal. J’avais du mal à faire les choses mais je n’avais pas mal. La première journée s’est bien passée, mon mari et moi tentions de nous reposer entre les visites du personnel. Et puis cette nuit là notre fils a fait de la température. On nous l’a prit pour des examens, on nous a parlé néonat’ et j’ai eu peur, je me suis dis pourquoi encore nous. Puis finalement au beau milieu de la nuit, le pédiatre est venu nous dire qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer mais qu’il fallait surveiller l’évolution d’une infection. Au final rien de grave puisque dans les jours suivants les analyses revenaient à la normale. Mais ce fut une nuit de plus de gâchée, une nuit de plus de fatigue. Le lendemain, la puéricultrice venue s’occupée de mon fils me reproche de ne pas mettre assez mon fils au sein. Elle est bien gentille mais seule je n’y arrive pas. Je ne peux pas le porter et le placer seule. Et lorsque quelqu’un le fait pour moi c’est toujours avec une position sur le ventre, merci pour la cicatrice ! Mais comme je tenais à allaiter – qu’au moins j’arrive à faire quelque chose – je m’accrochais. Mon mari m’aidait tant bien que mal. Les premières visites m’ont fait du bien, j’ai pu voir mes parents et cette présence était agréable. Mais le soir une fois seuls le cauchemar semblait revenir. Mon mari trop fatigué ne se réveillait pas aux pleurs ni à mes appels, j’appelais pour qu’on m’aide à la mise au sein, personne ne venait et mon fils pleurait de faim. Le lendemain épuisée, j’ai demandé qu’on amène des biberons que j’arrêtais. Seule je n’y arrivais pas, la montée de lait n’arrivait pas, j’avais envie de dormir. J’ai beaucoup regretté de faire ce choix mais plus personne ne me soutenait, même mon mari m’incitait au biberon. J’avais encore échoué dans la maternité que je voulais avoir. On a amené des biberons et mon fils s’est calmé. On m’a aussi donné des cachets contre la montée de lait. Je croyais qu’enfin nous allions être tranquille… si j’avais su. Le dimanche après midi, je me suis sentie comme aspirée vers le néant alors que je m’étais endormie. Puis malaise et vomissements sont venus s’ajouter à cette terrible sensation. Une sage-femme est venue, mais elle n’a rien pu faire. 2h après alors que j’étais toujours souffrante, elle revient et me parle de crise d’angoisse. Sur le coup je ne dis rien. La nuit rebelote. L’autre sage-femme me fait le même topo je fais des crises d’angoisse. Et je commence à y croire. Lendemain après midi à nouveau je ne suis pas bien. Maintenant je les crois. J’en viens à ne plus oser toucher mon fils de peur de lui faire du mal. Je me retranche dans la salle de bain et tente de penser à autre chose. Je veux partir de cet hôpital, il va me rendre folle. Je me crois folle et je le dis même à mon mari. J’ai la sensation de perdre la tête. Et puis on réfléchit car mon mari ne peut pas croire à des crises de panique. Et il s’aperçoit que j’ai été malade à chaque fois que j’ai pris le médicaments pour la montée de lait. Dans les 10min qui ont suivies. On en parle à la sage-femme qui nous assure que c’est impossible. On fait alors le test lundi soir. Je prends le cachet mais si je me sens mal on ne prévient personne car on a des chances de sortir le mardi matin. Evidemment je suis malade. Le mardi midi je ne prends pas le cachet – en plus nous avons l’accord pour sortir – je n’ai pas été malade. De retour à la maison et un détour à la pharmacie, nous achetons le produit en question car je dois continuer le traitement 15jours. On regarde la notice et en effets secondaires, il a tous les symptomes que j’ai eus pendant les derniers jours… Non, je ne fais pas des crises d’angoisse, je vais bien, je ne suis pas folle et je vais être une bonne mère… »

Anonyme – France, Hérault

#17 Deena – 2010 – Ottignies

29 Jan

Tout a commencé lors d’un simple monitoring de routine un vendredi après-midi, j’étais enceinte de 39 SA. Pendant le monitoring, la sage-femme vient me dire que j’ai trop de protéines dans les urines, mais elle ne m’explique pas ce que cela signifie et s’en va.
Après le monitoring, je vais chez mon gynécologue, qui lui commence à me poser un tas de questions: si je vois des étoiles devant les yeux, si mes pieds/jambes/mains sont gonflé(e)s depuis longtemps, … Il m’explique qu’il y à trop de protéines dans mes urines, mais que cela pourrait avoir plusieurs explications, donc je dois aller faire des examens supplémentaires.
Après une prise de sang, un test d’urines et un monitoring supplémentaire, le gynécologue m’annonce que j’ai une pré éclampsie et il m’explique ce que cela signifie.

Pendant ce temps, je remarque sur le monitoring que j’ai des contractions toutes les 10 minutes et je lui demande si la pré éclampsie pourrait déclencher le travail naturellement, ce qu’il confirme.
A partir de ce moment on me place dans une chambre à la maternité et on m’annonce qu’on déclenchera l’accouchement le matin suivant. Comme c’est le week-end, mon gynécologue me présente la l’obstétricienne de garde et me dit rapidement qu’il y aura une possibilité que l’accouchement finira par une césarienne.
Le matin suivant (je n’ai quasi pas dormi), j’ai des contractions toutes les 6 minutes et 2 cm d’ouverture, mais on décide quand même de m’injecter de l’ocytocine pour faire avancer le travail vu que le bébé doit sortir dans les 24 heures. On me fait immédiatement une péridurale parce que « les contractions seront insupportables à cause de l’ocytocine » et parce que « cela nous évitera de perdre du temps s’il faut pratiquer une césarienne en urgence ». C’est vraiment très rassurant ce que me disent ces gens… Lorsque l’on m’injecte l’ocytocine, on m’injecte aussi les antibiotiques pour le streptocoque contre lequel je n’étais pas immunisée et à partir de ce moment-là j’ai vomi pendant tout le travail et jusqu’à 2 jours après la naissance.

En effet, l’ocytocine fait bien son travail et les contractions deviennent de plus en plus insupportables, sauf que la péridurale ne suit pas et endort complètement mes jambes et pas mon ventre. Pendant tout le travail je suis accrochée à la machine de monitoring et à un tensiomètre qui se met en route toutes les 10 minutes. Je ne sais pas bouger, donc au revoir les exercices que j’ai appris pendant ces agréables séances d’haptonomie. Je reste constamment couchée sur le dos ou le côté.
Durant l’après-midi, une sage-femme vient rompre les eaux artificiellement pour faire avancer le travail.
Vers 20h, l’ouverture du col coince depuis 3 heures à 7cm et la tête du bébé présente une bosse et on estime qu’il ne passera pas.

A ce moment-là, la douleur a complètement pris l’emprise de mon corps et de mon esprit et je suis tellement dans un état second que je me laisse faire et je m’enfou de ce qui se passe, du moment qu’on me sorte ce bébé et que je ne souffre plus.

La gynécologue décide de faire une césarienne en urgence et lorsque j’apprends que mon compagnon ne peut y assister, je panique complètement. Il avait été d’un grand soutien pendant tout le travail et je m’imaginais mal vivre la naissance de notre premier enfant sans lui.

Les sages-femmes m’emmènent jusque dans une salle à côté du bloc opératoire et heureusement mon compagnon peut rester avec moi le temps d’entrer en salle d’opération.
Arrivée sur la table d’opération, on m’attache les deux bras. Cela prend une demi-heure avant que la péridurale prenne vraiment au niveau du ventre et on place un écran devant mon visage de sorte à ce que je ne vois rien de l’opération. La gyné explique un petit peu ce qu’elle fait pendant l’opération. On doit pousser sur mon ventre pour faire sortir le bébé parce qu’il est trop coincé dans mes intestins, une sensation des moins agréables. On me dit que mon fils est sorti de mon ventre, mais ils l’emmènent immédiatement faire les premiers soins. Je l’entends pleurer au loin, ce qui me rassure, mais je pourrais le voir que 10 minutes après.
Vu que mes deux bras sont attachés, je ne peux même pas le toucher. La sage-femme plaque sa joue contre la mienne, mais je suis tellement déçue par cette césarienne et son déroulement qu’après une minute je l’ordonne de l’amener chez son père faire le peau à peau vu que je ne peux rien faire pour lui. Elle avait l’air très étonnée de ma réaction, mais a respectée mon choix.
Après m’avoir « recousue », je suis encore restée 1h30 dans la salle d’éveil en observation. Je me sentais bien et j’ai demandée plusieurs fois de monter dans ma chambre parce que je ratais les premiers instants avec mon fils, j’étais pratiquement sûr qu’il serait déjà endormi lorsque j’arriverais dans ma chambre, mais ma demande à été ignorée à chaque fois. J’ai donc été séparée de mon fils pendant 2 heures.

Arrivée dans ma chambre, j’ai brièvement pu le mettre au sein, mais il était quasiment endormi.
En plus de la pré éclampsie et la césarienne, j’ai fait de l’anémie et étais très faible. Je suis restée 7 jours en total à la maternité.

Au niveau de l’allaitement, cela a été très difficile. La montée de lait s’est fait attendre et les avis différents des sages-femmes, infirmières, etc… ne m’ont pas aidée. Entre l’une qui me donne une téterelle parce que mon fils a soi-disant un menton trop renfoncé et l’autre qui me sermonne parce que je l’utilise, pas toujours facile de savoir qui il faut croire…

Au 5ième jour, mon compagnon et moi-même décidons de passer au biberon de LA, je suis épuisée, mon fils hurle de faim et la montée de lait ne s’est toujours pas manifestée.  Après avoir fait part de cette nouvelle à l’équipe, une infirmière entre dans ma chambre et me dit que le lait maternel est ce qu’il y à de meilleur pour mon enfant et qu’elle même ayant fait une prééclampsie pour des jumeaux à 36 SA a persévérée et qu’elle les a allaités 6 mois, ELLE. J’ai fondu en larmes, elle croyait vraiment que j’avais pris cette décision à la légère? Mon homme l’a ordonnée de sortir de ma chambre. Pour finir, je n’ai jamais eu de montée de lait, chose assez rare, mais pas exceptionnel dans mon cas selon le gynécologue…

Cette césarienne m’a laissée des séquelles psychologiques assez profondes. Jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas parler de la naissance de mon fils sans que les larmes me viennent aux yeux.
J’ai beaucoup souffert du fait que je n’ai pas vu mon fils « sortir » de moi, j’ai eu beaucoup de mal à établir un lien avec lui alors que son père n’avait aucune difficulté d’adaptation. Vu mon état après l’accouchement, il a été un peu « forcé » de s’occuper de notre fils jour et nuit le temps que je récupère. La césarienne et le fait que je n’ai pas pu l’allaiter ont fait que je sombrais de plus en plus, sans parler du fait que je ne savais même pas m’occuper de lui (le changer, lui donner son bain, le porter plus de 5 minutes, etc…) en rentrant à la maison. Une sage-femme à la maternité a remarquée que je faisais plus qu’un baby blues et a discrètement fait appel à une psychologue périnatale qui m’a un peu aidée à surmonter cette épreuve.

Par la suite, le gynécologue m’a conseillée de faire une pelvimétrie. Il s’est avéré que la sortie de mon bassin est un peu trop juste. Je suis assez fine et mon fils pesait 3kg780 pour 53cm à la naissance, sans parler de son tour de tête de 37cm. On m’a fait croire qu’il ne serait jamais passé, mais je n’en suis toujours pas convaincue…

#05 Sandra – 2009

28 Jan

Bonjour,

Je m’appelle Sandra j’ai 27 ans et deux enfants.

je veux vous raconter mon premier « accouchement ».

Tout a commencé le 18 avril 2009 à 4h du matin avec les premières contractions, déjà bien douloureuses et espacées tout de suite de 5 minutes !

vers 12/13h on décide de partir pour la maternité.

Les souvenirs restent vagues, mais la journée s’est passée, elle fut longue, vers 22h, ils demandent si je souhaite la péri ou non, je leur dis que je veux attendre car je ne sais pas pourquoi mais ma hantise c’est qu’elle ne fonctionne plus au moment de l’expulsion.

Vers 23h je n’en peux plus et la demande.

J’avais vraiment peur de cette grosse piqûre et faire le dos rond avec un gros bidou et 35 kg en plus ce n’est vraiment pas facile, la sage-femme me sort sèchement « et bin dis donc heureusement que l’anesthésiste est gentil, ça aurait été un autre, vous ne l’auriez pas eu !!! » :0

Bref la péri posé, maintenant on attend, mon col s’ouvre vraiment doucement. La nuit passe et la travail avance, on me demande de me mettre sur le côté pour faciliter la descente de mon fils, mais il n’apprécie pas et son petit cœur ralenti donc je me remets sur le dos.

Aux alentours de 8h45, mon gynéco prend sa garde et viens me voir, et là, ça chuchote, des messes basses.

Le gynéco me dit « ça ne passera jamais, on vous fait une césarienne » !!!

A ce moment là, tout s’accélère, je suis entre deux, soulagée peut-être parce que j’en ai marre, je suis fatiguée et aussi parce que je me dis que je n’arriverai sûrement à sortir mon bébé naturellement, que je ne sais pas comment faire.

Mais j’ai aussi très peur et je suis très frustrée d’en être arrivée à dilatation complète « pour rien ».

J’arrive au bloc, une pièce horrible , froide pas accueillante pour un sou pour l’arrivée de mon petit bébé d’amour !

On m’attache les bras et l’OPERATION commence.

Là, ce fut les plus horribles minutes de ma vie, je ne pensais pas qu’une telle douleur pouvait exister, je sens tout, la péri ne fonctionne plus : le bistouri, les écarteur, je les sens me farfouiner dans le ventre..

je hurle, je leur dis que j’ai trop mal qu’il faut arrêter, là, l’infirmière anesthésiste me dit que c’est normal de sentir mais que je n’ai pas mal !!

Je me débats, ils finissent par me faire une anesthésie générale après d’interminables minutes de souffrance…

Mon amour de bébé Noann naîtra à 9h23 le 19 avril 2009 il pèse 3,540 et 49 cm.

Je suis endormis, on me monte en salle de réveil, et là j’entends parler mais je ne peux pas réagir, j’entends une femme dire « et bin dis donc elle a craqué de partout celle là » 😦

Je finis par me réveiller avec bcp de stimulations aux alentours de 13h, je pleure, je ne sais pas ce qu’il m’arrive et je me demande ce que je fais là !

On me dit qu’on va m’amener mon fils ! mon fils ??? quel fils ? je n’ai pas accouché, ce n’est pas le mien, je ne veux pas le voir !!!

Finalement ils me l’apporteront et là je tombe amoureuse pour la 2ème fois de ma vie ❤

j’ai mis 1 an et demi à me remettre psychologiquement de cette naissance, pour mon fils, ça été très dur aussi, moi je n’étais pas bien donc lui non plus !

je pensais ne plus pleurer en repensant à ce jour et à cette « accouchement » mais en écrivant les larmes me montent…

Heureusement j’ai connu par la suite j’ai tout l’inverse avec la naissance de ma fille Yaëlle le 15 mai 2012, ce fût le jour le plus magique ! un accouchement par voie basse comme tout le monde en rêverait (mise à part la déchirure lol)

#01 Danaé

28 Jan

Tout a commencé avec un retard dans mes menstruations. Moi qui étais naturellement réglée comme une horloge, je m’interrogeais sur ce sang qui ne coulait pas. Bien sûr, je ressentais d’autres choses en moi, des choses qui auraient pu me mener sur une piste, mais je ne voulais pas leur prêter attention. J’ai souhaité attendre. Quelques heures, quelques jours, une semaine. J’avais tellement peur de me retrouver face à cette réalité, celle qui grandissait dans mon intérieur. Puis, n’en pouvant plus de tous ces doutes qui m’assaillaient, de tout ce futur potentiel qui se dessinait mais qui restait incertain, nous nous sommes décidés, mon Compagnon et moi, à aller acheter un test de grossesse. Je suis restée dans la voiture. Et c’est avec un large sourire que je l’ai vu revenir, un sachet à la main. La réponse à toutes mes questions était là, dans cette petite boîte en carton. Nous avons suivi à la lettre les consignes d’utilisation.
J’ai bu, beaucoup, et ai espéré très fort que le matin arrive vite tellement j’avais envie d’aller aux toilettes. Au lever du jour, je me suis glissée discrètement dans cette pièce, endroit peu chaleureux pour accueillir une telle nouvelle, pour effectuer le rituel. Je n’ai même pas eu à attendre que déjà deux barres très nettes s’affichaient, comme pour m’indiquer un chemin. Mon coeur battait fort avant cela. Puis, plus rien. J’étais seule face à moi-même et j’hésitais. Non pas à garder cet enfant, la question de l’avortement ne se posait pas, mais à partager la nouvelle avec celui qui était soudain devenu papa grâce à cet étrange objet. J’hésitais à lui mentir car je ne le sentais pas prêt. Je ne l’étais d’ailleurs pas moi-même. Quand, une fois dans la chambre, je me suis retrouvée face à son regard plein d’azur et d’étoiles, je n’ai pas pu lui cacher la vérité. Nous vivions un petit moment de bonheur, perchés sur notre nuage. Et celui-ci fut très court…

Les évènements se sont succédés à un rythme effréné. À tel point que j’avais l’impression que mon ventre grossissait à vue d’oeil. Les trois premiers mois ont été très difficiles. Pas de nausées ou autres symptômes habituels, mais une intense douleur dans le côté gauche de mon ventre, inexplicable. À cela se sont ajoutées une immense fatigue et une profonde dépression. C’est simple, je ne faisais que dormir et pleurer. Je ne m’alimentais pas ou mal, ne me lavais pas… bref, j’étais dans un état d’abandon le plus total. Je n’avais même pas la force de lutter. Et puis il y a eu l’échographie, la première. Je crois que c’est en voyant ce petit Être que j’ai pris conscience de sa réalité. Je ne pouvais quitter l’écran des yeux et ma figure illuminait la pièce d’un large sourire. La douleur s’est estompée pour finalement disparaître. J’avais vraiment la sensation qu’elle signifiait la fragilité du foetus, et que, du coup, son absence voulait dire que celui-ci était bien accroché. Je me suis reprise en mains et j’ai commencé à me laisser bercer par cet état magique, indescriptible. J’ai pas mal bouquiné sur le sujet. Je voulais entreprendre des activités en lien avec la grossesse. Et bien que le second semestre se soit passé avec délice, je n’ai rien fait ni rencontré personne. Au milieu du troisième mois, je suis entrée en contact avec mon Bébé. Un soir, alors que j’étais allongée et que je caressais mon ventre comme à chaque fois avant de m’endormir, je l’ai senti bouger différemment. Je l’ai alors observé. Et à ma grande surprise, quelques minutes plus tard, dans un geste lent, tendre et délicat, une petite main venait se poser non loin de mon nombril. Émue au plus profond de moi, je lui répondais par une caresse, paume contre paume. Je n’ai ensuite plus cessé de toucher mon ventre. Les trois derniers mois ont été plus éprouvants. Le ventre devenait lourd et je fatiguais rapidement. Comme pour me préparer à affronter un quotidien plus proche que je ne le pensais (et qui dure aujourd’hui encore), des insomnies se sont installées.

Cette grossesse, vous l’aurez compris, n’était pas préméditée. Nous étions un jeune couple, en pleine découverte de l’autre, avec un goût prononcé pour l’aventure, et nous sommes passés d’un coup au statut de maman et papa. Notre adaptation s’est faite au fur et à mesure, tant bien que mal. Chaque point lié à la venue au Monde d’un enfant, à son accueil, à ses besoins, à son développement… etc, soulevait en nous de nombreuses interrogations. Il fallait faire des recherches et palabrer longtemps pour que d’une part chacun trouve ce qui lui semblait bon, et d’autre part pour mettre en commun nos décisions. Notre quotidien a très vite pris l’apparence d’un casse-tête chinois. De mon côté, j’étais très intuitive. Je savais ce que je voulais ou ne voulais pas, mais ne pouvais expliquer avec des mots mes choix. Ce qui mettait un frein à la communication. Ce n’est que plus tard, à la lecture de certains témoignages, informations, données scientifiques, que j’ai pu me compléter en apportant des explications à mes ressentis. Et cela m’a fait un bien fou, dans ce tourbillon d’incertitude, d’apprendre que ce qui me paraissait naturel voire nécessaire était recommandé et appliqué par delà nos frontières, dans des cultures qui accordaient encore de l’importance à la Vie. Je désirais accoucher à domicile et redoutais plus que tout l’hôpital. Nous avions atterri chez mes parents à mon septième mois de grossesse, après bien des péripéties et n’ayant trouvé aucune autre solution. Malgré un climat quelque peu tendu et non confiant entre nous, ceux-ci avaient accepté, non sans peur, mon choix qui leur semblait extravagant. J’avais également fait la rencontre d’une Sage-Femme qui avait répondu favorablement à mon projet, malgré un suivi qui, on le savait, allait être très court. Tout semblait bien se dessiner. Jusqu’au jour où j’ai appris le décès de mon Oncle,
le 28 Mars. Il se trouvait dans un état transitoire depuis des mois, accroché à un semblant de Vie par des fils. Je n’étais pas proche de lui, mais plutôt de sa Femme, à qui j’aurais volontiers donné le nom de maman étant petite, ainsi que de leur troisième enfant, mon Cousin, qui a toujours été comme un grand frère pour moi. Sentir toute l’émotion que cette nouvelle générait autour et à l’intérieur de moi m’a profondément bouleversée. Ce que je savais c’est que sa mort allait donner la Vie.. Le lendemain, je me suis levée.. différente. J’avais du mal à marcher, mon bassin semblait complètement ouvert, et puis il y avait les contractions. Je ne leur ai pas accordé beaucoup d’importance au début car leur intensité m’était familière. Seulement ce jour-là elles étaient régulières; elles ne se sont ni estompées ni arrêtées. Le travail avait commencé… Je suis restée dans cet état durant encore deux jours. C’est-à-dire sans pouvoir ni dormir ni manger (ou très peu), ne supportant que la position assise sur mon ballon de gymnastique, m’accrochant de toutes mes forces aux barreaux du lit, et apprenant à respirer pour faire passer la douleur.. qui était insoutenable. Ma Sage-Femme était là depuis le début; elle faisait des aller-retour entre son domicile et celui de mes parents. C’était long. C’était lent. Mon col s’était pourtant ouvert très tôt, mais rien ne semblait avancer. Alors, au bout de mes limites, au bout de moi-même, accablée par la douleur que je voulais faire taire et par la déception, j’ai demandé à aller à l’hôpital. Je ne sentais pas d’évolution dans mon corps et je ne trouvais pas cela normal. Surtout au bout de trois jours! C’est aux urgences de l’hôpital où j’avais moi-même vu le jour, 26 ans auparavant, que l’on a arraché le petit Être qui se trouvait dans mes entrailles depuis presque neuf mois, et dans mon coeur depuis un temps incommensurable. Une équipe de la maternité m’a prise en charge rapidement. On m’a allongée, position que je redoutais, pour pouvoir m’examiner. Et là, j’ai dû attendre. Attendre que l’on comprenne, que l’on sache, que l’on fasse. Cela a duré deux heures. Car, malgré les échographies, malgré les touchers vaginaux, malgré les palpations au niveau de mon ventre, personne ne pouvait affirmer dans quelle position se trouvait mon Bébé. Un climat de tension, de stress et d’inquiétude régnait dans la pièce. On a donc appelé un gynécologue en urgence afin qu’il procède à une opération: la césarienne. Il fallait faire vite. D’autant plus qu’une Sage-Femme avait, sans le vouloir, rompu la poche des eaux et qu’elle tenait sa main dans mon vagin en guise de bouchon. Le docteur est arrivé: c’était un homme. Je ne l’aimais pas. Il était froid, pas à l’écoute, et, malgré mes pleurs, j’ai dû le repousser physiquement plusieurs fois tellement il me faisait mal. Ce qu’il n’a pas apprécié. Bref, à mon grand regret, c’est cet individu qui a sorti le petit Être qui se trouvait dans mes entrailles: ma Fille. En vingt minutes qui m’ont semblé des heures. Consciente, j’ai pu l’entendre puis la voir. Juste le temps de l’apercevoir, enveloppée d’une serviette plastifiée bleue qui avait enlevé son odeur, de faire la rencontre tant redoutée de ce regard apeuré, d’embrasser furtivement sa joue, qu’on l’enlevait déjà. De longues minutes, de longues heures.. il fallait attendre que j’aille mieux. Mais comment aller bien séparée de l’Être qui forme ma continuité et de celui qui a permis une telle réunion? J’étais impatiente et terrorisée. Allais-je la reconnaître? Et elle, se souviendrait-elle que j’étais sa Mère? La porte s’ouvrit enfin. Mon Compagnon était en larmes. Une Sage-Femme tenait ma Fille. Dans un geste habituel et empli d’une profonde déshumanisation, elle la déposa tel un objet sur mon ventre. Je ne me souviens pas si elle est ensuite restée ou partie. Je n’avais d’yeux que pour cette étrange créature faite avec ma chair et mon sang. Malgré toutes les péripéties qu’elle venait d’endurer, elle s’accrochait et voulait s’en sortir. Elle cherchait mon sein. Je lui frayais donc un chemin parmi les nombreux fils qui parcouraient mon corps. En un instant, elle dissipa douleurs, doutes, et pensées négatives. À travers cette sensation qui m’était inconnue, elle m’emmenait côtoyer mes instincts. C’était au-delà du simple fait de nourrir. Personne ne nous a aidées. Elle s’est débrouillée seule et m’a montré la voie. À l’heure où j’écris ces mots, l’allaitement est l’unique chose que j’estime avoir réussie et pour laquelle je suis fière.

La semaine que j’ai passée à l’hôpital a été très dure; tant sur le plan physique que psychologique. Un manque de place poussait le personnel hospitalier à vouloir me mettre dehors plus tôt que prévu.. alors même que je n’arrivais ni à me lever ni à marcher. De plus, ma famille s’est mise à m’en vouloir. Ils pensaient que je simulais la douleur. Heureusement que mon Compagnon était à mes côtés. C’est lui qui s’est occupé de nous. Les conditions n’étaient pas idéales, mais il a fait de son mieux. Et c’est le sourire aux lèvres que nous sommes retournés chez mes parents, à trois, le sept Avril. Sauf qu’eux, le sourire, ils ne l’avaient pas. Ma mère m’a vite demandé de quitter la maison; notre présence les dérangeait. C’est donc en hâte que nous sommes partis du Sud-Est pour rejoindre l’Océan.

Je ne m’attendais pas, ni ne m’étais préparée, à vivre un tel accouchement. Cela a engendré un choc émotionnel d’une assez grande importance qui, parfois encore aujourd’hui, se manifeste. La seule pensée qui me redonne des forces est de me dire que, sans cette opération, ma Fille n’aurait pas survécu. Elle se présentait de face, le dos complètement tordu, ce qui fait qu’il lui était impossible de s’engager dans mon bassin. Voir les nombreux sourires qu’elle m’offre à présent ne fait que me convaincre que j’ai pris la bonne décision. Maintenant, je ne me consacre qu’à son bien-être. Je fais de mon mieux pour que la petite graine qu’elle était développe de nombreuses feuilles, des branches, et peut-être aussi un jour des ailes.

Danaé

Je tais certains contextes, certains évènements, de façon volontaire, dans le but de ne pas leur accorder d’importance. Ils viendraient seulement ternir mon récit.
Néanmoins, sachez que sur les trois échographies, faites à différents endroits, seule la dernière a été agréable: un homme doux, à l’écoute, et qui prenait le temps d’expliquer les choses. Pour les autres, j’ai dû faire face à deux femmes odieuses qui se sont montrées brutales et violentes, tant physiquement que psychologiquement.
Quant au jour de l’accouchement, j’étais dans une salle entourée de personnes, comme si je me donnais en spectacle. Les Sages-Femmes chuchotaient entre elles sous mon nez, tout en m’examinant, et disaient qu’elles soupçonnaient une malformation; de quoi augmenter largement mon stress et mon angoisse (en fait, si elles connaissaient mieux leur métier, elles auraient pu détecter qu’elles touchaient le visage de mon Bébé…). Le gynécologue ne s’est même pas présenté, il est arrivé blasé et sans que je m’en rende compte avait pénétré mon vagin sans me demander la permission ou me prévenir. Il n’a pas cessé, durant l’opération ainsi que pendant le séjour, d’insister sur le fait que j’avais râté mon accouchement à domicile.
Les infirmières en ont rajouté une couche en clamant haut et fort que je ne pourrai jamais envisager une naissance naturelle, par voie basse, après une césarienne.
Bref, j’en oublie sûrement, dans ma mémoire, mais de nombreux résidus resteront, malheureusement…

Merci d’avoir pris le temps de me lire.