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# 145 Lucille – Tunisie – 2006 – lettre de Lucille à sa mère

23 Fév

« Je t’écris à toi, parce qu’aujourd’hui je te considère comme ma meilleure amie, ma meilleure alliée, et que je sens aujourd’hui l’importance d’une mère.

Je t’écris à toi, parce que je viens d’ouvrir les yeux sur quelque chose d’horrible, d’affreux, d’inacceptable et que j’ai besoin de vider mon sac, j’ai besoin d’écrire et de me sentir écoutée sur ce sentiment. Et j’ai conscience que seule une maman peut comprendre réellement comment je me sens.

Je ne sais par où commencer…

Mon accouchement.

Je n’en ai jamais fait le deuil. J’ai toujours eu besoin d’en parler comme pour l’exorciser. Je me suis bien dit qu’il y avait un truc pas clair là-dessous. Toujours eu besoin de le revivre, inlassablement, avec un arrière-goût amer dans la gorge et les larmes au bords des yeux.

J’ai une amie (virtuelle) avec qui on en parle beaucoup. Elle m’a fait prendre conscience de toutes les violations que j’ai subies avec mon accord, avec mon propre agrément. Elle m’a fait prendre conscience (sans qu’elle le sache elle-même) que je me suis faite avoir, une parmi tant d’autre.

Et puis, il y a eu un article, sur lequel je suis tombée… Et là, ça n’a fait que confirmer mon doute, ma souillure à jamais…

J’ai besoin de mettre des mots dessus, d’extérioriser ce qui s’est passé. Tant que ça restera entre moi et ma conscience, je ne ferai pas de pas en avant, je resterai « sale ».

Je veux te raconter tout. Si tu ne veux pas lire, ne lis pas. Je ne t’oblige à rien. Mais j’ai besoin d’écrire. Et tu es la seule qui puisse recevoir de tels propos.

J’ai arrêté la pilule au mois de Juillet 2005. Au mois d’août, le 14 exactement. J’attendais mes règles et priais pour qu’elles ne viennent pas. Elles ne sont pas venues. Le 15 je savais que j’étais enceinte. Hichem et moi étions fous de joie.

On se regardait avec des petits yeux, c’était une période magique, inoubliable. J’attendais un bébé.

Mais on devait faire la confirmation de cette grossesse. J’ai quand même attendu très longtemps pour la faire. Car je savais que je n’en avais pas besoin, je savais que j’étais enceinte.

J’y suis allée en septembre. C’était surtout pour avoir la date prévue d’accouchement.

J’ai suivi les conseils d’une amie et me suis rendue avec cette amie (à cette période Hichem bossait comme un dingue) chez une gynéco qu’elle connaissait.

Je pleure quand je me rappelle cette séance.

La gynéco avait du retard. Elle me fit entrer moi et mon amie. Me serra la main froidement. Me posa des questions sans écouter mes réponses. J’étais devenue un chiffre sur une feuille de papier.
Elle me fit passer dans la salle pour l’échographie afin d’affirmer la grossesse. Malheureusement, elle n’a pas pu voir avec l’appareil… Elle me dit de me déshabiller… Je suis désemparée. Je ne m’y attendais pas du tout, dès le premier rendez vous.

J’ai horreur de ça. Et là, je venais de me rendre compte de quelque chose. La grossesse, ça voulait dire ça : montrer son vagin à droite et à gauche… Une boule me monta à la gorge en m’exécutant. Et là sans prévenir, elle m’enfonça une sonde vaginale… J’en pleure en y repensant, tellement ça m’a fait mal. Il me semble avoir pleuré un peu sur le coup, tellement je me suis sentie humiliée.

Merde! C’est mon corps!

Elle m’a juste dit « Mabrouk (félicitations), vous êtes enceinte. »

A ce moment là, je me suis dit, que ça passera pas avec elle. Que c’est pas comme ça que je veux passer ma grossesse. Après avoir daté ma grossesse. Je suis partie. Avec pleins de questions dans ma tête. Mais Mme La Gynéco était débordée de « clientes »…
de vagins, je devrais dire.

Voilà à quoi j’étais réduite sur son lit d’auscultation.

Je n’ai jamais repris contact avec elle. Et je me suis fermée aux analyses, aux prises de sang. Je n’avais qu’une envie, qu’on me foute la paix, qu’on me laisse savourer ma grossesse, qu’on laisse mon bébé et moi tranquilles, qu’ils aillent tous se faire foutre. C’est vraiment ce que je pensais à ce moment là.

Mais j’ai eu un petit soucis. J’avais mal pendant les rapports. Il fallait absolument que je consulte une autre gynéco… Avec grandes appréhensions, tu t’en doutes. J’en ai trouvé une autre, par l’intermédiaire d’une de mes très nombreuses amies médecins. Ma seconde gynéco, une femme très douce, très calme, très posée. J’ai été soulagée, dès que je l’ai vue. Elle a répondu à mes questions saugrenues. Mais une fois de plus, j’ai dû me déshabiller. Mais je m’étais préparée à ça (puisque j’avais un problème à ce niveau-là) et j’étais complétement consentante. Il fallait que je me soigne. Elle me donna un traitement. Tout rentra dans l’ordre. Elle regarda le bébé à l’écho. Elle me répétait qu’il est beau, qu’il est beau, qu’il est beau. Elle me posa des questions sur moi, sur mon rôle de femme, sur mon rôle de future mère. Je remercie cette femme. J’irai un jour lui rendre visite pour lui dire tout le bien qu’elle m’a fait. Elle ne m’a pas forcé à faire d’autre prise de sang. Même si je n’avais pas la toxo. Je lui ai dit que je ne referai pas des prise de sang tous les mois, que je ne veux pas, et que les conséquences ne regardent que moi. Elle m’a souri.

Et puis, et venu le jour de l’accouchement.

Les douleurs majestueuses de l’annonce du bébé étaient là et bien présentes. Je les attendais. Je les soutenais. Je les carressais. Je n’en avais pas peur, et m’étonnais moi-même. Mon erreur? L’impatience… Je suis partie trop tôt à l’hôpital. J’aurai dû attendre la dernière minute.

Avec mon impatience légendaire, je me suis piégée moi-même. Je me suis créée moi-même mon enfer…

Mais je ne pouvais pas savoir.

Déjà, la réticence au départ, d’aller à l’hôpital. Mais faute de moyens… je me disais (et là aussi, grande erreur de ma part) : « c’est l’histoire d’un jour ou deux, après ça sera du passé ».

Pourtant je sais assez bien, que le passé ne s’efface jamais!

Je me répétais : « beaucoup de femmes accouchent à l’hôpital, ça s’oublie, ça ne sera qu’un mauvais moment à passer ».

J’ai les larmes aux yeux en écrivant ça.

Pourquoi l’accouchement devrait être un « mauvais moment à passer ». Non, non, j’étais sur la mauvaise voie!
L’accouchement est un moment unique, magnifique, magique, féérique. Il ne devrait jamais être vu comme un « mauvais moment à passer ». NOOOOOOOOOOOOOOOOOON!  Aujourd’hui, je me bats contre cette idée, quand on me dit ça.

Non!

Profitez de votre grossesse, et surtout profitez de votre accouchement.

Accoucher ne fait pas mal!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Je me dirigeais vers l’hôpital avec Hichem qui souriait à moitié, qui était inquiet à moitié. Et là, le verdict tombe, « votre mari ne peut pas vous accompagner ». Je crie, je hurle, je me débats… « Non, ne me laissez pas toute seule, il est la seule personne ici que j’aie!! » Hichem a les yeux mouillés. Je le vois bien. Mais je le connais, il ne pleurera que quand il sera monté dans le taxi. Je passe seule les examens. Et c’est là que le vrai cauchemar commence.

Je pleure, maintenant en écrivant tout ça, mais je dois continuer, ça doit sortir une fois pour toute! Plus jamais je ne me laisserai faire, je me le promets, je le promets à Hichem, je te le promets. Qu’ils essayent de recommencer, juste qu’ils essayent, et ils verront!!!!!!!!!!!!!!!!

Aujourd’hui, j’ai la volonté de me battre, de faire quelque chose contre tout ça, d’aider les nouvelles mamans à pas se faire avoir. Je veux créer un truc, j’en sais rien quoi, un site d’information? Une association pourquoi pas… Mais ne pas me taire!

Je passe donc chez la sage-femme, qui me touche, me mesure l’ouverture, m’annonce que mon col est fermé. Et m’envoie chez l’obstétricienne. Je pleure. Elle me rassure quand même un peu, en me disant que c’est pour bientôt. Mais elle ne sent aucune contraction. Moi non plus d’ailleurs. Elles ont stoppé net quand je suis arrivée à l’hopital.

Hier, j’ai appris que le travail peut s’arrêter avec le stress et l’appréhension…

Je n’ai pas voulu aller chez l’obstétricienne.

J’y suis quand même allée.

Elle m’a allongée sur sa table, fait une écho, et m’a enfoncé ses doigts, m’a fait saigner, crier, pleurer. Et m’a dit que si, si, mon col est ouvert à 2cm. J’ai juste eu le temps de me rhabiller avant qu’un assistant entre dans la pièce où j’étais. J’étais en colère, en larme! Où est mon intimité???????????????????????????!!!!!!!!!!!!!!!!

J’ai compris, hier toujours, que c’est cette femme qui m’a ouvert le col. Mais pour quelle raison?

Je la hais, depuis hier. Je la déteste! Si je la revois, je ne me retiendrai pas pour lui dire ce que je pense d’elle!!!!!!!!!

On m’a fait patienter de 11h à 15h sur une table d’accouchement, les pieds dans les étriers. Je n’ai aucune contraction. Je pleure.

Une sage femme, très gentille, celle-là, je dois l’avouer. Me caresse les cheveux, m’appelle « benti » (ma fille), caresse mon ventre, me rassure… J’accoucherai dans la nuit, me dit-elle. Je la crois, car ça me fait du bien. En attendant, je suis dans une sacrée position, les pieds dans les étriers, à demi nue, avec un drap posé sur le bas de mon corps.

Une autre sage femme, que je ne supportais pas, rentrait régulièrement, fourrait ses doigts dans mon vagin, et repartait.
Je hurlais de douleur à chaque fois. Je ne comprenais pas pourquoi cela faisait si mal.

Toujours hier, j’ai compris qu’en fait, elle ouvrait un peu plus.

Aujourd’hui je suis révoltée. Mais à ce moment là, je me disais simplement « ça fait mal, mais elles savent ce qu’elles font. »

Aujourd’hui, je ne les crois plus, tous des menteurs!

Je croyais que la douleur était normale. Je remercie beaucoup Amélie (cette amie virtuelle dont je te parlais tout à l’heure) de m’avoir fait ouvrir les yeux!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Je ne connaissais rien, du tout! Quelle imbécile je suis.

A chaque fois que cette sage-femme revenait dans ma chambre, tout mon corps se crispait, se tendait, je reculais pour ne pas qu’elle me touche… c’était instinctivement… car je n’en pouvais plus de cette douleur gratuite!

Le personnel des hôpitaux se disent que puisqu’on accouche, on souffre. Alors un peu plus ou un peu moins, hein… Qu’est ce que ça peut faire? Une fois de plus, nous ne sommes que des vagins qui mettront au monde un bébé. Rien de plus. Un dossier médical. Un numéro sur un dossier médical. ça s’arrête là.

Après plusieurs heures intenable dans cette chambre de torture, elles décident enfin de me mettre dans une chambre normale, avec un lit. Elles me laissent là, en me « menaçant » : « Si tu n’accouches pas cette nuit, on fera une césarienne demain matin. Bonne nuit. »

Là, quand même, ma rebellion naturelle se réveille… Après avoir été complétement sonnée par ce que je viens d’entendre, je réfléchis dans tous les sens. Essaye de téléphoner, de chercher du soutien en dehors de ces murs froids, glacials…

Une césarienne. Mais pourquoi? Mais pourquoi ils ne déclenchent pas l’accouchement?

Mais c’est complétement stupide! Insensé, idiot. On diagnostique une césarienne, comme ça, hop, parce que voilà, l’hôpital fait que je n’ai pas de contraction…

Mon esprit rebelle revient en charge : « non, tu n’auras pas de césarienne. Ton bébé se présente bien, ton bassin n’est pas étroit. Non, tu n’auras pas de césarienne. Tu as prévu d’accoucher par voie basse, et tu accoucheras par voie basse et une fois de plus, envoie les toutes se faire foutre. » J’acquiesce à ma conscience. Et je me mets à pleurer, hurler de rage, je deviens comme une folle attachée à cette perfusion de glucose.

« LAISSEZ MOI RENTRER CHEZ MOI », j’avais envie de les insulter, de les gifler, j’en pouvais plus, nerveusement.

Heureusment, y avait une équipe de sage femme « étudiantes ». Elles avaient mon âge à peu près. Elles n’ont pas d’expérience et sont donc douces, et respectueuses. Une d’elle a tenté de me calmer. Mais j’en pouvais plus, je lui disais « S’il te plait, détache moi (je parlais de la perf’, mais je me rends compte que ça veut tout dire), j’ai besoin de mon mari, j’ai besoin d’être dans ma maison. Je ne vais pas accoucher toute suite. je reviendrai quand j’accoucherai. »

Elle se sentait impuissante, me regardait, et je sentais qu’elle allait se mettre à pleurer aussi. Je devais avoir l’air d’une folle. Elle m’a dit « je n’ai aucun pouvoir, je vais en parler à la sage femme ». « Non, je lui répondis, ça ne sert à rien. Elle ne fera rien… … … Et pourquoi vous me faites pas un déclenchement? »
J’ai vu comme un éclair de joie dans ses yeux… Comme si j’avais trouvé la solution. Mais bon, elle est censée avoir fait des études pour être sage femme… Elle aurait pu y penser un peu plus tôt. Mais je lui pardonne.
Elle file en quatrième vitesse voir la sage femme générale. Celle ci revient, mon corps se recontracte. Rien que sa vue me répulse. Elle me dit que c’est pas possible, qu’il est maintenant 23h30, et qu’ils ne le font que dans la journée, parce que s’il y a un problème qui est lié, les médecins sont là.

Je hurle: »J’M’EN FOUS, VOUS M’ENTENDEZ??? J’EN AI RIEN A FOUTRE!!!!!!!! » Je tente d’arracher la perf’, et là la sage-femme et l’étudiante disent des choses que je n’ai pas eu le temps de comprendre en arabe tellement j’étais hystérique, elles me soulèvent et m’emportent pendant que je me débats en salle de travail.

Comme pour se venger, la sage-femme me refait un toucher vaginal hyper douloureux, et m’installe une perf’ d’ocytocine.

Les contractions arrivent et je souris. Enfin, ça y est, je le sens ce bébé qui descend.

Bien sûr que les contractions sont douloureuses. Mais elles le sont moins que ses touchers vaginaux. A chaque fois qu’elle rentre dans la chambre, je gémis. « non, pas maintenant » « non pas maintenant ». Elle revient dix fois, vingt fois. Je ne sais pas combien… C’est le cauchemard.

Je reste avec cette étudiante, je lui demande de fermer la porte à clé. Elle panique. Je lui dis que je peux plus la voir l’autre…

Les contractions sont là, douloureuses et magnifiques. Je mords dans le matelas, et je ferme les yeux, je vois mon bébé qui descend. Je le caresse. Je m’endors entre deux contractions. Le douleur remonte, revient, je l’attends à présent, je l’ai apprivoisé, je gémis un peu, je crie un peu, ça fait du bien.

Elle revient, la sage femme. Elle remet ses doigts. Je pleure à nouveau « non, non non non » et je repense « mais pourquoi on me laisse pas tranquille? Il sortira de toutes façons, qu’elle mette ses doigts n’y change rien! »

J’avais l’impression que ce n’était plus mon corps. Juste un truc posé sur la table palpé, touché, retourné, observé…
Verdict « col bloqué à 7 depuis trop longtemps »

Elle m’appuie sur le ventre, je hurle de douleur. « NOOOON »

Je lui lance un regard de feu. Je sais qu’elle ne recommencera pas avec moi. Elle me dit pour se justifier : « Il faut que le bébé descende sinon il va mourir »

Et sur le coup je devrai la remercier, je la comprenais, hein.

Mais tout ça, c’est du pipeau, c’est pas vrai, aujourd’hui je m’en rends compte. C’est simplement pour les voir en SUPERHEROS.

Tu connais la suite. Elle voit la tête, ouverture à 7cms, l’épisio faite à la lame de rasoir sans anesthésie, sans contraction. Je hurle de douleur. Pas à cause de l’accouchement. Je n’ai d’ailleurs rien senti par la tête qui passe, tellement l’épisio m’a fait mal. J’ai été plus que choquée de l’épisio. Je peux te dire que je me suis renseignée, tard, certes, sur cette mutilation inutile…et que je suis blindée pour le prochain!

Après, j’ai eu mon bébé, deux secondes et demi, elles l’ont pris (c’était mon étudiante chérie qui s’en est occupé). Me l’ont ramené tout beau, et me l’ont mis au sein. Il n’a pas tété beaucoup et une autre sage femme me l’a enlevé et me l’a posé à au moins dix mètres de moi. Je pleure. « Rendez moi mon bébé, rendez le moi! »

Il reste la délivrance. Quel nom, je te jure!! La sage-femme me fouille encore un peu plus à l’intérieur. J’ai mal, j’ai mal, j’ai mal.

C’est ça, les douleurs de l’accouchement. Leur mic-mac qu’ils nous font à l’intérieur, alors que pour extraire le placenta, y a des méthodes plus douces. Mais là encore, je n’étais pas assez renseignée.

Trois heures après, on me recoud l’épisio. Première anesthésie ne fonctionne pas, l’infirmière pique et je hurle de douleur, et d’appréhension. Et j’en ai marre de montrer mon sexe à toutes les sages femmes présentent à l’hôpital. Je me sens dépossédée. Mise à nue, c’est le cas de le dire. Moi qui suis tellement pudique.

Deuxième anesthésie qui marche un peu mieux que la première mais me laisse sentir le fil qui passe, et me dégoûte. Me donne envie de vomir.

Je m’évanouis complètement. Heureusement soutenue par une amie qui bosse à l’hosto et qui a réussi à venir me voir., c’est elle qui m’habille, me pose sur la chaise roulante. J’enveloppe mon bébé, mon trésor. On me sort de la chambre de torture pour m’amener au dortoir.

Et là, une illumination. Hichem est là, près de la porte, mon ange, mon bébé, mon amour. Il est là, il pleure, il rit. Il monte avec moi. Il n’a pas le droit, mais le gardien ne dit rien. Je suis française, et on me laisse tous les droits.

Je rentre dans le dortoir. Plusieurs lits alignés. Combien? Sept? Huit, peut-être. Presque tous occupés. C’est quoi cette horreur?

Combien de bébé vont pleurer cette nuit, comment je vais me reposer. Je n’ai rien dormi depuis plus de 24h. Je pleure. Hichem me prend dans ses bras. J’explose. L’infirmière m’engueule. Je devrais être heureuse avec mon bébé. Les gens comprennent rien. Je m’allonge. Le berceau pour le bébé m’a l’air sale. Je garde mon bébé avec moi. Tout le monde me dit de le poser dans le berceau, mais je les emmerde tous!

Effectivement, les lits se remplissent les uns après les autres.

Le lendemain vint la pire humiliation de tout mon séjour.

Une infirmière passe pour voir l’état de l’épisio. On reste là, sur nos lits à la vue de toutes! De toutes les mamans. Et même des médecins qui passent par là!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Et que je te tripote par ci, par là… T’as mal?… non, c’est l’appréhension d’avoir mal. Je pleure. Je ne veux pas me déshabiller devant tout le monde. Et là elle m’enfonce ces doigts, me fait je sais pas quoi. Je pleure encore. J’en peux plus. J’en ai marre.

Voilà…
Voilà, ce que j’ai subi à l’hôpital.

Ce sont des gestes banals, des gestes pratiqués partout. Tunisie ou pas Tunisie. Des gestes que chaque femme reçoit à chaque fois, avec une étrange banalité. Et pourtant, ce n’est pas normal.

Je me demandais pourquoi je n’ai pas pu faire le deuil de mon accouchement. Pourquoi malgré que c’est quelque chose de magique je l’ai mal vécu. Pourquoi quand je le raconte, je n’arrive pas à mettre des mots dessus. Parce que les mots étaient trop crus, trop durs.

Maintenant je l’ai fait. Pour la première fois. Et sûrement pas la dernière. Maintenant, je vais informer les femmes enceintes.

Ce sont des violences physiques, innacceptables! On ne doit pas accepter de se faire violer publiquement et avec notre consentement. Nous ne sommes pas que des vagins. L’accouchement n’est pas qu’un « mauvais moment à passer ». NON!

Nous devons nous réapproprier nos accouchements, nos naissances. ELLES NOUS APPARTIENNENT!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
C’EST NOTRE CORPS!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
PERSONNE N’A AUCUN DROIT DESSUS!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
J’ai pris conscience de ça, et de l’avoir mis par écrit, c’était long mais ça m’a fait du bien.
Je pense finalement, après l’avoir écrit, en envoyer une copie à Amélie, et a publié une copie dans un forum très bien. Parce que ce n’est qu’avec l’expérience et les erreurs qu’on avance.

Je n’accoucherai plus à l’hôpital. Il en est hors de question. Je ne serai plus jamais victime et coupable de mon propre crime. Celui de suivre aveuglement la médecine et de les remercier de mon propre viol.

Cela est surement un peu dur à lire, maman, excuse-moi. Mais j’avais vraiment, énormément besoin que tu le saches.
Pardonne moi, maman.
Je t’aime à l’infini.
Ta fille, Lucille. »

[ndr: ce récit est un copier-coller autorisé par Lucille de ce site: http://naturellemman.forumfamille.com/t163-mon-accouchement-besoin-de-faire-le-deuil]