Mon accouchement de rêve !
Tout le long de ma grossesse, je me suis préparée à un accouchement naturel. J’étais déterminée. Je devais accoucher à la maison! Tout le monde était contre, et pour ne pas leur laisser me dire après « j’avais raison », je leur disais que je ne savais pas encore où j’allais accoucher. J’ai essayé de faire beaucoup de visualisation de mon accouchement. Je me suis préparée au maximum. J’ai fait des cours de Bonapace, je suis allée voir une ostéopathe pour être sûr que mon bassin était correct et j’ai préparé la maison au complet.
Mais j’avais quand même peur. Je me connaissais bien. Je savais que j’étais très douillette. Quand j’étais petite, ma mère me coiffait les cheveux chaque matin, et c’était la torture pour moi. J’ai même toujours eu peur de la douleur physique car je la ressens bien quand elle arrive. Alors je savais que si je n’accouchais pas chez moi, je ne pourrais pas resister à l’épidurale. J’ai même refusé de faire mon sac d’hôpital à la maison pour être sûre que je resterai et endurerait chez moi.
Je pense que je me suis mis trop de pression. Durant mes cours d’accompagnante, un message subtile circulait : « on est pas une femme accomplie tant qu’on n’a pas vécu un accouchement naturel ». Ce n’était pas qu’un message subtile, ma prof l’a répété plusieurs fois, et les femmes qui racontaient leur expérience en parlaient aussi. J’avais donc ce sentiment que si je ne réussissais pas, je ne serais jamais accomplie. Aujourd’hui, je crois même que je me disais qu’accoucher naturellement règlerait tous mes problèmes : je serais enfin sûre de moi, je ne douterais plus de mes capacités, je saurais que je suis forte, j’aurai un lien extraordinaire avec mon bébé, etc. Je me demande vraiment aujourd’hui si ça aurait changé quoique ce soit que je réussisse. Je pense à une amie qui a réussi son accouchement naturel et je repense aux paroles qu’elle a prononcé après : « j’ai trop souffert, ce n’était pas ce que je voulais, ce n’était pas comme dans mes rêves ».
Le dernier mois de grossesse (novembre), j’ai beaucoup souffert. Je faisais de l’insomnie grave, j’avais constamment mal au ventre. La dernière semaine de novembre a été la pire. J’avais tout le temps mal au ventre et je ne dormais plus à cause de ça… J’en ai parlé à ma Sage-Femme le samedi. Je lui ai dis que je n’en pouvais plus, j’étais fatiguée, épuisée, je n’en pouvais plus de souffrir. Elle a regardé mon col et m’a dit que j’étais presque à 3. J’étais super contente! C’était très bon signe, le bébé allait arriver! Elle m’a parlé de me décoller les membranes, car comme je souffrais, elle voulait activer mon accouchement. J’ai dit oui sans hésiter! C’est là que les contractions ont commencé. J’ai eu des contractions toute la journée, et la soirée, et toute la nuit. À chaque 5min. Je n’ai pas dormi. Je m’attendais à accoucher à tout moment. Le lendemain matin, vers 10h, tout s’est arrêté. J’étais en pleurs. J’étais épuisée et tout s’était arrêté. Ma SF m’a conseillé de me reposer le plus possible et ensuite d’aller prendre une marche. Les contractions ont recommencé vers midi, et en fin d’après-midi, Hugo et moi sommes allés marcher pendant une heure au bord de l’eau. J’ai aimé ce moment-là, même si les contractions étaient fortes et régulières (aux 2-3min). Quand nous sommes rentrés à la maison, j’avais vraiment de bonnes contractions mais le travail a encore commencé à ralentir.
J’ai eu des contractions toutes la nuit mais assez espacées, genre aux 10-20min. Je n’ai pas non plus dormi. Et le lendemain, vers 9h, tout s’arrête. J’ai appelé ma SF en pleurs et je lui ai dit que je n’en pouvais plus. Ça faisait une semaine que je ne dormais plus, dont 2 nuits intenses…
Elle m’a beaucoup réconforté. Je me suis levée, nous avons pris le petit déjeuner et j’ai pris une douche. Dans la douche, j’ai soudain senti LA contraction. Différente de toutes les autres, plus intense, plus douloureuse. La travail actif venait de commencer. Il était 10h.
Vers 13h, ma SF est arrivée. Je souffrais beaucoup. J’avais beaucoup de contractions, peu de temps entre chaque. Hugo me faisait des points de pression à chaque fois, tellement c’était douloureux. J’essayais de visualiser, d’accepter la douleur, mais je n’y arrivais pas. Je n’ai jamais réussi à rentrer dans ma bulle. Je me doutais bien que ça arriverait. Je suis une fille très terre-à-terre, c’est très difficile pour moi de me laisser aller, d’arrêter de réfléchir et plutôt de vivre le moment. Au lieu de laisser la douleur venir à moi, je la combattais. Ça ne marchait pas vraiment, mais je tenais le coup.
La SF a regardé mon col. Je me suis dit en moi-même : « ok Marion, es-tu capable de continuer? Oui, je suis capable, mais pas pour des heures et des heures. Donc voilà ce que je vais faire. Si je suis arrivée à 6cm, je continue, si je suis en dessous de 6cm, je vais à l’hôpital. »
La SF m’a dit : « ok, tu es à 3cm ».
Le choc en premier. L’effondrement en deuxième. Comment était-ce possible? Cela faisait 48h que j’avais des contractions et mon col n’avait pas bougé d’un poil????? Non mais c’est une blague?????? Je me suis mise à pleurer, pleurer, pleurer!!! J’ai dit à ma SF que je voulais aller à l’hôpital. Elle m’a conseillé d’attendre 2h encore, et de voir mon col après. Voyant que je ne répondais pas, elle m’a dit qu’elle allait me laisser avec Hugo et qu’elle attendrait ma réponse.
J’ai pleuré avec Hugo. On a parlé un instant puis je suis allée voir ma SF : « Nous avons décidé d’aller à l’hôpital. Je sais que dans 2h je serais encore à 5cm, et que j’en ai pour des heures et des heures. Je commence à ressentir de la colère envers mon bébé, car je souffre depuis tellement longtemps que je me demande pourquoi il me fait subir ça. Et je sais que ce n’est pas sa faute, mais je ressens quand même de la colère contre lui, et je ne veux surtout pas ça. Je ne veux pas le rejeter à la naissance parce que je suis en colère ou parce que j’ai souffert extrêmement. Je veux aller à l’hôpital.
– Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Tu risques de regretter ta décision.
– Non, je ne regretterais pas. J’ai pris ma décision »
En route pour l’hôpital, mais avant, il fallait faire les bagages. Le voyage a été très dur et pire encore : à notre arrivée, l’entrée de l’hôpital était en travaux donc on a dû aller à un parking plus éloigné! Comme il n’y avait plus de place et qu’on tournait en rond, j’ai dit à Hugo que je n’en pouvais plus, j’allais marcher. Je suis sortie de la voiture, à peine habillée, dans un gros froid et j’ai monté la côte. Aujourd’hui, quand j’y pense, ça me fait tellement rire! Je monte la côte et j’ai une contractions. Je m’allonge presque par terre tellement j’ai mal. Sauf que c’est en plein dans l’heure de pointe donc il y a des dizaines de voitures dans la rue et plein de passants. Tout le monde me regarde. Une fille court vers moi. « Madame, ça va? ». « Je vais accoucher!! » (je lui dis ça sur un air super dramatique parce que je suis en plein dans la contractions ET je pleure en même temps). Elle me dit « j’appelle une ambulance !! ». Je la regarde et je lui dis : « Heu… merci c’est gentil mais la porte de l’hôpital est juste là » (et je lui montre la porte). Hahahaha!
Bon bref, j’arrive finalement à entrer dans l’hôpital. Encore une contraction et je suis à terre et plein de gens courent autours de moi et me mettent dans une chaise roulante. J’essayais de leur dire que je préférais marcher mais personne ne m’écoutait. J’avais perdu Hugo, mes SF, bref, j’étais toute seule. Je pleurais tellement de douleur que ça n’a pas pris de temps qu’un médecin vienne m’examiner. Il était 17h et j’étais dilatée à 5cm.
Hugo et mes SF m’ont retrouvé et j’ai eu l’épidurale. Ça a pris 30min avant de faire effet mais moins je ressentais la douleur, plus je retrouvais la joie. Je me souviendrais toujours de ce sentiment de bonheur grandissant que j’éprouvais plus la douleur disparaissait. Quand finalement je n’ai plus rien ressentit, j’ai pu respirer, relaxer et surtout, arrêter de pleurer de douleur. Mais j’avais toujours les larmes aux yeux. Des larmes de joie. Je savais que mon bébé allait arriver dans peu de temps, que j’allais enfin pouvoir le serrer dans mes bras. Quel bonheur!!
Vers 19h, ils ont brisé mes eaux et à 21h, j’étais à 10cm. La poussée a duré 45min, je pouvais voir la tête sortir puis rentrer à chaque poussée. C’était dur, bébé commençait à se fatiguer. On m’a donné de l’oxygène. Mon médecin, très gentil, m’a dit qu’il allait devoir me faire une épisiotomie malgré ma demande de ne pas en avoir car mon périnée était trop musclé et la tête ne passait pas. Ma SF a proposé au médecin de faire sortir la tête grâce à une technique manuelle. Le médecin, au grand étonnement de tout le monde, a accepté et la SF a appuyé par l’extérieur sur le menton de Liam et la tête est sortie d’un coup (me déchirant le périnée au second degré). Puis le corps. Puis mon bébé tout chaud est arrivé sur mon ventre.
Il hurlait, hurlait, hurlait!! Moi, je le caressais et je lui chantais une petite chanson que j’avais composé pour lui. Il a hurlé pendant 30min puis c’est calmé. Il m’a aussi fait caca dessus, deux fois, mais je m’en foutais. Il était là, c’est tout ce qui comptait. Alors qu’il était calme, j’ai pu bien l’observer. Ça a été un petit choc pour moi encore une fois. C’est drôle mais je m’étais fait une image de mon bébé : il ressemblerait à un Hugo miniature. Et là, devant moi, j’avais un bébé que ne ressemblait pas à Hugo, mais à à mon frère!! Donc, à moi, puisque mon frère et moi sommes pareils! Incroyable!! Il avait vraiment les grands yeux de mon frère.
Je suis très reconnaissante d’avoir fait mes études de doula car elles m’ont ouvert à un monde inconnu pour moi. Elles m’ont ouvert à l’idée de pratiquer un maternage proximal et m’ont ouvert les yeux sur beaucoup de choses concernant la façon dont mes parents m’avaient éduqué. Mes études m’ont outillé au mieux pour mon rôle de mère et j’en suis VRAIMENT reconnaissante. Bien sûr, ça s’accompagne toujours de culpabilité quand on ne réussit pas à faire les choses à la lettre, mais aujourd’hui je pense que Liam a reçu déjà beaucoup plus en quelques mois de vie que moi dans toute ma vie en amour de ma mère. Je fais de mon mieux et je vois qu’il est heureux et qu’il grandit bien.
J’avoue que j’ai un peu de mal à être reconnaissante pour mon accouchement, même si je le suis quand même. Je le suis car j’ai vraiment eu un bel accouchement, calme et serein. Ce qui me donne le plus de misère, c’est d’avoir compris mieux qui je suis, et je ne sais pas si ça me plait. Je « crois » (je suis pas sûre encore) savoir aujourd’hui quel est le meilleur type d’accouchement pour moi, un accouchement médicalisé, qui me permet de ne ressentir aucune douleur et de faire venir mes bébés dans le bonheur. Ça ne me plait pas trop de savoir ça, car j’ai la très fausse idée que tant que je n’accoucherais pas naturellement, je ne serais pas une femme accomplie. Mon rêve est de pouvoir un jour aller à l’hôpital sans aucun doute que je fais la meilleure chose pour moi et sans me poser la question « et si, SI ce n’était pas la meilleure chose? ». c’est vraiment difficile à gérer.
Je suis vraiment reconnaissante d’être passée par tout cela car je vais pouvoir être une personne plus compréhensive et aidante envers les autres. Je suis reconnaissante que Dieu m’ait aidé à façonner de la meilleure manière mon esprit, qu’il m’ait fait comprendre qu’il n’y a pas qu’un moyen d’être bonheur sur terre, que nous sommes tous différents et que c’est correct. Je suis tellement reconnaissante de savoir que peu importe nos choix et nos différences, il y a toujours quelqu’un sur qui on peut se confier : Jésus-Christ.
Je suis mille fois mille fois reconnaissante pour mon mari d’amour, qui m’a soutenu, massé, donné de l’amour, supporté, réconforté, consolé, fait rire, fait voyager, rendu heureuse et j’en passe tout au long de ma grossesse et même depuis notre rencontre jusqu’à maintenant. Lorsque ça m’arrive de penser que Dieu ne m’aime pas, je n’ai qu’à penser au fait qu’il a mis Hugo dans ma vie et alors je ressens que je suis spéciale pour Lui et qu’Il m’aime de tout son coeur car Hugo est la meilleure chose qui me soit arrivé dans ma vie.
Je suis tellement reconnaissante pour Liam. Mon petit amour éternel. Avec lui, je n’ai pas besoin d’apprendre ou de faire des efforts pour l’aimer. Je suis remplie d’un amour infini et éternel pour mon petit garçon. Chaque jour il m’apporte de la joie. Il est ma plus grande épreuve et ma plus grande joie en même temps. Il me fait aimer la vie. J’adore ses grosses joues et ses sourires. Il est mon petit ange quand il dort et ma tornade quand il est réveillé. Je suis reconnaissante pour lui, je l’aime, je l’aime, je l’aime!
Je suis reconnaissante pour ma SF qui m’a permis de passer à travers des moments sombres simplement en étant à l’écoute.
Je suis reconnaissante de n’avoir eu aucune complication durant l’accouchement, d’avoir pu faire naître mon bébé vaginalement et que Liam soit arrivé en bonne santé.
Je suis reconnaissante que ma SF a réussi à lui faire sortir la tête.
Je suis reconnaissante de l’épidurale, et de ce que la médecine peut faire aujourd’hui, tout comme je suis reconnaissante des maisons de naissance qui considère les femmes et les bébés comme précieuses. Alors que je passais 5min dans le bureau du médecin, ma SF m’accordait toujours 1h30 de son temps à chaque rencontre.
Je suis reconnaissante des assurances d’Hugo et de son travail, d’avoir pu rester à la maison et d’avoir pu profiter de mon été avec Hugo.
Je suis reconnaissante aux membres de mon église pour les repas qu’ils nous ont préparé.
Je suis reconnaissante à mes beaux-parents d’avoir acheté de la nourriture pour moi à l’hôpital quand j’en avais le plus besoin et à ma mère d’être restée à mon accouchement.
Je suis reconnaissante à Liam d’avoir fait caca sur moi et non dans le ventre, ça aurait pu être très dangereux.
Je suis reconnaissante à mon médecin, et aux infirmières si gentilles.
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